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La tour sans ombre

Un film de Zhang Lu

Avec Xin Baiqing, Huang Yao, Tian Zhuangzhuang, Nan Ji, Wang Hongwei

Gu Wentong, critique gastronomique divorcé, découvre où vit le père qu’il avait perdu de vue dans son enfance. Parallèlement, il entame une relation avec une collègue plus jeune. Les gens se rapprochent et s’éloignent, mais les images et les sons restent pour témoigner

Notre avis: ***

La tour sans ombre vaut symbole au vaste et ambitieux récit que Zhang Lu porte à l’écran. De destins croisés, du mystère qui entourent les personnages sur leur passé, de blessures vivaces, de récits du quotidien qui s’inscrivent dans une Chine en mutation, à l’image de Pékin, le réalisateur tire une trame narrative labyrinthique et ample, qu’il déploie parcimonieusement, strate après strate, mais il souhaitait également y adjoindre une dimension poétique, ou symbolique, que le titre suggère. La métaphore porte sur une tour dont la géographie particulière des lieux environnants ne permet pas, peu importe l’heure, de discerner l’ombre, si ce n’est avec une prise de recul très importante. Cette ombre concerne également nos personnages, un quarantenaire food-reporter, qui apprend de son beau-frère que son père qu’il tenait pour disparu et éloigné ne l’a pas oublié ni lui ni sa sœur, et sa photographe, une jeune femme qui noue une relation d’amouritié avec lui, étrange et touchante à la fois. Tous deux ont des états d’âmes liés à leur enfance, que le film exposera dans un premier temps avant de petit à petit en dévoiler les parts de mystère. Cette construction minutieuse et patiente permet de rentrer en empathie avec eux, de les découvrir tandis que Zhang Lu à travers eux, leur parcours, leurs rencontres et leurs discours, nous raconte également l’évolution de la Chine entre 1980 et aujourd’hui, que ce soit l’évolution des mœurs, l’évolution des villes – la gentrification de Pékin, mais aussi l’évolution des langues (elle manie le cantonais et le mandarin). Il questionne également la famille chinoise, ainsi que quelques maux souvent rencontrés dans le pays du milieu, le rapport à l’image, la dévalorisation, et l’alcoolisme. Sans en avoir la force, ni la portée poétique, la qualité narrative de La tour sans ombre nous renvoie par instant à celle d’un Yiyi (Edward Yang). Le récit comporte de surcroît quelques ellipses audacieuses qui permettent au rythme de ne pas en pâtir, là où a contrario, Zhang Lu fait le choix étrange mais intéressant de brouiller les pistes dans son final. Alors même que l’énigme principal que le film portait autour du personnage masculin se résout, qu’une très jolie scène de danse met en lumière de façon élégante les émotions traversées et qu’il vient à l’esprit du spectateur que cela vaut épilogue, une nouvelle intrigue se forme, et un virage à 180° nous permet de s’attacher désormais à l’ombre qui entourait le personnage féminin. Ce choix s’avère payant pour ce qui est de densifier plus encore les thématiques traversées, comme pour apporter un regard complémentaire sur la société, mais ceci, légèrement au détriment du rythme d’ensemble.

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