Un film de Tran Anh Hung
Avec: Juliette Binoche, Benoît Magimel, Patrick d’Assumçao, Emmanuel Salinger, Jan Hammenecker, Frédéric Fisbach, Galatéa Bellugi, Pierre Gagnaire
Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.
Notre avis 1: ****
Quel étrange objet que la passion de Dodin Bouffant ! Il semble paradoxalement, ce qui n’aura pas manqué de générer quelques rires bien naturels et généreux, par son opulence, se placer parfaitement entre étrange provocation (de l’ordre du jeu) et déclaration d’amour profondément sincère envers la France et son rapport à la gastronomie. Il renvoie inéluctablement à l’exotisme de l élégance à la française, place le goût et la passion au centre de tout, semble renfermer un secret tiers. Anh Hung tire-t-il un parallèle entre cuisine et cinéma ? Probablement, en tout cas, cette possibilité ne peut que parler aux critiques et cinéastes. Le film bénéficie d’atouts formels appréciables, à commencer par une magnifique lumière très travaillé, et une excellente interprétation (as usual) de Magimel, doublé d’une très belle complicité avec Binoche. Le film pourrait trouver place au palmarès cannois et pourquoi pas sur la plus haute des marches rouges, certains en tout cas se rangent de cet avis, quand d’autres restent tout simplement cois, comme ébahis… Car La passion de Dodin-Bouffant, libre adaptation du livre éponyme (Anh Hung insiste sur cette dimension libre) interroge quant à son caractère malin … la lecture que l’on peut faire du film se heurte en effet à une difficulté. Faut-il s’arrêter, comme l’ont fait beaucoup de spectateurs-journalistes, jusqu’à la modératrice du débat en conférence de presse, à une lecture au premier degré ? Le rapport à l’œuvre passée de Tran Anh Hung, le rapport au monde actuel, la métaphore avec le cinéma, la transmission, les non dits du couple, l’aveuglement, l’opulence, l image de la France, l’exotisme et la demande d’exotisme des producteurs, sont-ils dans les interstices des sujets brassés ? Comme le suggère Juliette Binoche, le film ne cacherait-il pas son jeu à plusieurs niveaux: « Le film est bien plus féministe qu’il n’en a l’air » nous dit-elle, complétant : « en tout cas la question de l’indépendance de la femme est essentielle ». La conférence de presse nous apporte ainsi cette précision que Magimel a du s’y reprendre à plusieurs fois pour l’une des répliques finales, car la réponse qu’il lui semblait naturel d’apporter était le contraire exact de celle que Tran Anh Hung avait écrite, quand Juliette Binoche avait tendance à penser que les deux réponses étaient complémentaires. Un brouillage de piste donc n’est pas à écarter … Pas plus qu’une lecture à plusieurs niveaux (Ruben Ostlund tombera-t-il dans son propre piège ?)… La dimension mystérieuse propre au récit en tout cas, le secret entre les deux amants, la métaphore filée, nous sera pour partie révélée … en lien avec le non dit, le trop peu pratiqué … car à bien y réfléchir, la passion emporte tout. Elle rend aveugle. Et pour nous en rendre compte, Tranh Anh Hung nous livre un film qui verse dans l’excès gastronomique, potentiellement en clair-obscur donc, comme un un film qui se veut érotique aura tendance à multiplier les scènes impudiques … Glissement possible …
Notre avis 2: *