Un film de Wang Bing
Wang Bing conclut sa monumentale trilogie de la jeunesse de manière expansive, en donnant une portée toujours plus grande à la vie des travailleurs migrants dans les usines textiles de Zhili, alors qu’ils prévoient de se rendre dans leurs lointaines villes natales pour rendre visite à leurs familles et célébrer les festivités de la pause du Nouvel An.
Notre avis: **
Tout comme son opus précédent présenté à Cannes, Wang Bing nous démontre, si besoin en était, qu’il possède un talent sans pareil pour produire de saisissants Documents. Ici encore, il brosse un portrait d’une jeunesse, représentative d’un pays tout entier, et en cela, capte des vérités insondables, propose un véritable voyage dans son pays – qu’il matérialise même à l’écran en suivant un couple dans un train puis dans un bus dans les montagnes du Yunan; il en restitue une réalité sociale, s’attarde sur le poids de la tradition, montre les intérêts et les envies des jeunes qu’il suit dans la plus grande discrétion, son regard s’effaçant totalement (aucune interaction entre les protagonistes et le caméraman, aucun effet qui rende le caméraman visible) mais paradoxalement s’affirmant au montage (travail d’archiviste et de mise en relation remarquable). Wang Bing, une fois de plus, nous relate des conditions de vie, en point de départ, et un mode de vie choisi pour s’adapter à ces dernières. Contrairement au portrait très collectif que l’opus Cannois (Jeunesse, Le Printemps) livrait, cet opus vénitien s’intéresse à un nombre beaucoup plus réduit de personnes, et limite volontairement les interactions de groupe. Plutôt qu’un unique portrait généraliste de la jeunesse chinoise provinciale et peu défavorisée, il nous propose ici des échantillons de portraits qui présentent des similitudes évidentes. Il fait également le choix de se recentrer sur la vie de couple (les mariages, la recherche de travail à deux), mais aussi sur la tradition provinciale, puisqu’ici le documentaire s’intéresse au retour des jeunes dans leur région d’origine, proposant au passage un tour géographique saisissant, et quelques réflexions si propres à la politique chinoise (l’enfant unique, …). La Chine d’hier, restée attachée à ses traditions (les célébrations du premier de l’an chinois, les cérémonies de mariage, …), en marge de la Chine des grandes villes d’aujourd’hui, vue sous l’angle de la jeunesse, préfigurent probablement la Chine de demain.