Un film de Margarethe von Trotta
Avec Vicky Krieps, Ronald Zehrfeld, Tobias Resch, Basil Eidenbenz, Luna Wedler
Ingeborg Bachmann rencontre Max Frisch en 1958, tombe amoureuse, se sépare, tombe malade et s’enfuit d’abord dans le désert, puis en Italie. Von Trotta ne se concentre pas sur la fin fatale de Bachmann, mais sur ses aspirations à l’amour et au respect – en littérature et dans la vie.
Notre avis: *
Le style de Margarethe Von Trotta, par son académisme, peut plaire comme déplaire. Ici elle s’intéresse de nouveau à un portrait de femme, et d’en fait ressortir des composantes que les femmes sont les plus à même d’exprimer, un regard (négatif) sur les hommes, leur propension à vouloir posséder et contrôler, à les priver de leur espace de liberté, de réflexion.
Il s’agit du récit d’une femme libre, qui cherche des espoirs, aspire à son propre espace, mais aussi à des rêveries. Puis de la difficulté pour deux écrivains de vivre ensemble, de ne pas voler la vedette à l’autre. Il s’agit de contradictions également, d’une femme qui veut essayer de raviver une relation aimante et respectueuse qui a hélas basculé dans une relation de domination malsaine et de jalousie, tout en avançant secrètement dans une direction beaucoup plus libérée et émancipatrice. Le désert symbolise cette espace de silence pense savoir Vicky Krieps, faisant référence à ses propres besoin de couper avec ses émotions envahissantes quand l’envie s’en fait sentir. Le désert symbolise également la relation amoureuse au point mort, la rupture de prime abord douloureuse mais au final libératrice.
Le film propose, après un préambule longuet, qui manque d’exposer singulièrement ses personnages, lui préférant un parti pris narratif certes ambitieux (un kaléidoscope multi époque) mais ampoulé et maladroit dans sa constance, une analyse des états d’âme de la poétesse. Le portrait s’éloigne volontairement de la dimension biographique (nous sommes très loin du biopic) pour dévoiler les subtilités psychologiques, les nuances, les ambivalences, les doutes qui peuvent habiter Ingeborg, mais aussi ses scrupules et ses aveuglements.
Pour construire son portrait Von Trotta s’est servi de lectures et d’interview, mais n’a pas eu accès à la correspondance entre la poétesse et le dramaturge Max Frisch, ni à des photographies d’époque du couple, très rares. Mais au final, cela n’a pas beaucoup d’importance car en ignorant l’ampleur de la poésie d’Ingeborg Bachmann, et se concentrant sur un seul aspect et une seule période de sa vie, Von Trotta récupère le personnage historique pour le transformer en un personnage complètement fictif, s’en serve pour passer son message, imposer son idéologie. Ce n’est pas la littérature qui l’intéresse, mais la façon à elle de voir et d’analyser le rapport homme/femme. Pour cela, elle n’avait même pas besoin d’Ingeborg Bachmann. Un choix regrettable pour un film sur une grande figure littéraire du 20ème siècle.