Un film de Karim Aïnouz
Avec: Alicia Vikander, Jude Law, Simon Russell Beale, Erin Doherty, Sam Riley, Eddie Marsan, Ruby Bentall, Bryony Hannah, Maia Jemmett, Patsy Ferran
Catherine Parr est la sixième femme du roi Henri VIII, dont les précédentes épouses ont été soit répudiées, soit décapitées (une seule étant décédée suite à une maladie). Avec l’aide de ses dames de compagnie, elle tente de déjouer les pièges que lui tendent l’évêque, la cour et le roi…
Notre avis: **(*)
Le jeu de la Reine s’intéresse à un pan de l’histoire souvent raconté du côté du puissant masculin, l’ogre Henri VIII. Le réalisateur brésilien Karim Ainouz, revient sur la Croisette, après avoir gagné le prix Un Certain Regard il y a quelques années, avec un film à costume, à l’image léchée, et au casting qui a de quoi faire bien des envieux, puisque les deux rôles principaux sont tenus par Alice Vikander, et Jude Law. L’un comme l’autre proposent une intéressante composition. Jude Law, métamorphosé, nous apparaît en personnage Shakespearien, aux faux airs d’Orson Welles, lunatique, colérique, et suscitant la terreur autour de lui. Alice Vikander, interprète, avec beaucoup de grâce et de stature, Catherine Parr, son épouse, sur qui pèse une épée de Damoclès au vu du sort qui a été réservée aux précédentes épouses du roi. Sa posture, son aplomb, son goût des affaires politiques, son rapport au roi, entre affection sincère, ambition personnelle, et peur contenue, ses relations passées, ses sentiments, seront passées au peigne fin. Le titre français Le jeu de la reine évoque parfaitement cette position étrange d’une femme qui doit composer avec de nombreuses adversités, parmi lesquelles quelques unes résident en elle, en sa nature féminine, ses positions politiques opposées au vu du roi, sa sincérité et sa droiture quand d’autres lui sont bien plus externes – jalousies, ambitions politiques de ses adversaires, relents machistes, déconsidération des femmes intelligentes par certains membres de la cour. Le film à costume, prend son temps pour révéler précisément le portrait qu’il estompe. A travers ce portrait au féminin, cette lecture de l’histoire sous un biais souvent oublié, Karim Ainouz, qui compose de nombreux plans sur la base de tableaux chatoyants, aux drapés offrant des contrastes saisissant, aux couleurs vives parfaitement assortis. L’image, comme pour chaque film à costume qui se respecte, vise à sublimer le récit, à lui apporter un bel écrin dans lequel l’action, les nœuds de l’intrigue pourront prendre place. Langoureux, posé, le premier tiers du film ne captive cependant pas, malgré ses qualités formelles, la faute à un propos qui semble se chercher, parfois même s’égarer en soufflant quelques fausses pistes (la violence va-t-elle irradier ? le sang gicler ? la guerre se déclarer ? ou bien le récit va-t-il prendre un pan plus psychologique, intimiste ?)Nous ne savons au juste sur quel pied danser, et les dialogues, régis par la bienséance et la politesse, manquent de spontanéité, de couleurs chaudes – à l’instar de l’image- de rebonds … le ton se cherche, mais finit par se trouver lorsque l’intrigue principale prend place. Le film vire alors vers un récit imminemment politique, inscrit dans son époque, mais qui peut ceci dit faire écho aux mouvements de libération féministe qui ont cours. Son intérêt réside alors non pas tant dans sa force, la puissance de la contestation, ni même son modernisme, mais dans ce qui constitue, pour certains, l’adrénaline du débat politique, la prise de risques, les calculs politiciens, le pouvoir de persuasion, la capacité à rallier les autres à ses idées, à séduire. En somme, Le jeu de la reine vire au film politique, à mesure que la monstruosité du roi se fait de plus en plus menaçante. Malin quelque part, plutôt joli dans son ensemble, il manque cependant une composante tierce pour amener le spectateur vers quelque chose de plus personnel, de plus fort, de plus intellectuel, ou de plus émouvant, pour nous faire oublier les quelques errements de la mise en place. Le caractère plaisant au final du film, ne donnent guère de gage pour une compétition comme celle du festival de Cannes, où l’exigence est de mise, et où les critiques attendent (le plus souvent sans suite) des essais révolutionnaires, intentions très éloignées de celles, beaucoup plus appliquées et sages, de Karim Aïnouz.