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Un soupçon d’amour: à 90 ans, Paul Vecchiali signe son film « le plus important »

Geneviève Garland, une célèbre comédienne, répète « Andromaque » de Racine, avec pour partenaire, son mari André. Elle ressent un malaise profond à interpréter ce personnage et cède son rôle à son amie Isabelle qui est aussi la maîtresse de son époux. Geneviève s’en va avec son fils malade dans son village natal. Elle semble fuir certaines réalités difficiles à admettre.

Avec plus de 30 films à son actif, Paul Vecchiali revient sur scène à 90 ans. En 2004, le réalisateur a avoué et dénoncé les difficultés à trouver des financements dans le monde cinématographique à travers son film A vot’ bon cœur. Il multiplie depuis les films à petit budget.

Un soupçon d’amour est d’après les dires du réalisateur son film le plus important. Dédié à Douglas Sirk, le film mélange mélodrame et romantisme avec une pointe de fantastique. Vecchiali mélange les genres et ajoute même au film un soupçon de comédie musicale où il fera une brève apparition.

Dur aux premiers abords de plonger complètement dans le film de Vecchiali. Les plans sont fixes, la lumière trop vive, le montage abrupt et la théâtralité des acteurs même hors scène laisse place à une certaine distance d’avec le spectateur. Mais comme énoncé auparavant, le manque de budget est une des causes principales concernant la forme du film. De même, si ce côté amateur peut surprendre, il est revendiqué par Vecchiali, davantage comme acte de rébellion quant aux codes cinématographiques que d’un manque de technique.

Si la forme peut donc surprendre, le film est éblouissant par son contenu et par l’interprétation des trois protagonistes principaux : Marianne Basler, Fabienne Babe et Jean-Philippe Puymartin. Jouant sur les relations au sein de ce triangle amoureux, Vecchiali arrive à mettre en scène deux femmes davantage complices que rivales partageant de deux façons différentes le même homme.

Geneviève (Marianne Basler) ayant quitté le rôle d’Andromaque voit son couple se délier et décide de partir à la campagne avec son fils Jérome (Ferdinand Leclere) dont le père André (Jean-Philippe Puymartin) ne s’occupe pas.
C’est à partir de ce moment que le film change de ton et opère un tournant brillamment maîtrisé ; nous passons d’une réalisation qui met en abîme théâtre et cinéma à un décor naturel aux allures de mélodrame provincial permettant à Geneviève de se retrouver. Acceptation de la perte de son père qui reste douloureuse, recueillement, contact recréé avec son ancien compagnon devenu prêtre. Nous suivons Geneviève qui s’éloigne de la toxicité de son couple pour s’occuper de son fils et renouer avec les fantômes du passé. A plusieurs niveaux le film explore le deuil et la manière dont celui-ci peut altérer les liens affectifs.

Mais la campagne rend Geneviève de plus en plus à fleur de peau concernant les problèmes de santé de son fils. La fragilité du personnage interprété par Marianne Basler prend une intensité qui nous bouleverse jusqu’au dénuement final.

Ce film sur le deuil flirtant avec le fantastique et le tragique à de maints égards arrive sur les derniers plans à reconsidérer l’ensemble du film que nous venons de visionner. Si certains détails et éléments parsèment le film et peuvent nous faire comprendre la fin du film avant son apothéose, les rapports des trois protagonistes principaux sont remis en question d’une manière forte à la fin du film, nous donnant envie de le revoir immédiatement pour en déceler toutes les failles. Vecchiali par ce procédé malgré le manque de moyen réussit à adopter le point de vue d’un personnage sur l’ensemble de l’œuvre sans que cela ne soit visible avant la fin du dénouement. Les rôles s’inversent à la fin du long-métrage, et au coupable de devenir victime…

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