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Trois amies d’Emmanuel Mouret: Les larmes amères de Joan Belair

Joan n’est plus amoureuse de Victor et souffre de se sentir malhonnête avec lui. Alice, sa meilleure amie, la rassure : elle-même n’éprouve aucune passion pour Eric et pourtant leur couple se porte à merveille. Elle ignore qu’il a une liaison avec Rebecca, leur amie commune. Quand Joan décide finalement de quitter Victor et que celui-ci disparaît, la vie des trois amies et leurs histoires s’en trouvent bouleversées.

Emmanuel Mouret, auteur avéré aujourd’hui avec une œuvre construite deux décennies durant, améliore certains points de son cinéma film après film, notamment pour ce qui a trait au scénario, il joue avec des variations sur ses thèmes de prédilection, rafraîchit son cadre et sa pensée, devient de plus en plus efficace. Il prouve aussi qu’on peut continuer à écrire sur le même sujet et à trouver, à chaque fois, de nouvelles choses à dire. Après le très beau Chroniques d’une liaison passagère, réflexion sur le couple dans une mise en scène plutôt légère et amusante, il revient avec l’image de la vie amoureuse de trois trentenaires, coincées dans certaines injonctions sociales, au moment où chacune se remet en question, plus exactement, met en question son couple, et l’amour qu’elle ressent ou pas pour son partenaire.

Le film a pour objectif donc, d’explorer les sentiments de ces femmes, quand chacune pense proposer une réponse, plus ou moins honnête, et douloureuse, à la question (philosophique) fondamentale: pour sentir l’amour, doit-il être proche ou distant, acquis ou inaccessible? illusion ou désillusion? Pourquoi tombe-t-on amoureuse? Pourquoi se lasse-t-on de ce qu’on a et désire-t-on ce qu’on n’a pas?

La première moitié du film, qui pose et développe ces problématiques de façon subtile et juste (enfin, tragique, de l’ordre de la tragédie humaine), se relève très intéressante. Avec un regard réaliste et objectiviste, le film traverse les émotions les plus engageantes comme la culpabilité, et Mouret, en tant que cinéaste homme, fait preuve d’une connaissance incroyable de la complexité des sentiments féminins, surtout qu’ici, le problème n’est pas l’inaccessibilité ni la violence des hommes, au contraire, ils sont, en quelque sorte, trop présents, ce qui rend le sujet plus compliqué à traiter, pour un résultat plus original. Difficile de ne pas s’identifier, difficile de ne pas se sentir profondément émue. On a également l’occasion d’apprécier la performance des actrices, découvrir le talent d’India Hair dans un rôle très spécial et dur, de se dire une fois encore que Sara Forestier est tout simplement une actrice géniale, émoustillante, capable de réaliser une palette variée et inattendue de gestes.

Mais à partir du moment où le film commence à proposer des variations (parfois comiques), des solutions (parfois faciles) pour chaque situation, et surtout quand il commence à orchestrer trop de personnages et de micro-histoires, il se répète, gagne en longueur ce qu’il perd en force. Dernière impression un peu regrettable, mais qui ne nous empêchera pas d’attendre impatiement son prochain film.

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