Gucci est une marque reconnue et admirée dans le monde entier. Elle a été créée par Guccio Gucci qui a ouvert sa première boutique d’articles de cuir de luxe à Florence il y a exactement un siècle.
À la fin des années 1970, l’empire italien de la mode est à un tournant critique de son histoire. Si l’entreprise rayonne désormais à l’international, elle est handicapée par des rumeurs de malversations financières, une innovation en berne et une dévalorisation de la marque. Le groupe est dirigé par les deux fils du fondateur – Aldo, personnage rusé et haut en couleur, et son frère Rodolfo, beaucoup plus froid et traditionnel.
Pugnace, Aldo n’a pas la moindre intention de céder le contrôle de l’empire à qui que ce soit – et certainement pas à son fils Paolo, garçon fantaisiste qui aspire à devenir styliste. Quant à Maurizio, fils timide et surprotégé de Rodolfo, il a davantage envie d’étudier le droit que de diriger un groupe de luxe mondialisé.
C’est alors que Maurizio tombe amoureux de la ravissante et manipulatrice Patrizia Reggiani et, contre l’avis de son père, décide de l’épouser. Lorsque Aldo se découvre des affinités avec Patrizia, il réussit, avec l’aide de la jeune femme, à convaincre son neveu de renoncer à ses ambitions juridiques pour intégrer l’entreprise dont il devient, de facto, le probable héritier. Ce qui ne manque pas de nourrir la rancoeur de Paolo, dont le talent n’est pas à la hauteur de ses rêves artistiques…
Ridley Scott nous a récemment épaté avec Le dernier duel, un film qui, sous des apparats de blockbuster, cachait un véritable geste d’auteur, une finesse de scénario, et un regard contemporain aiguisé. Bis repetita serions-nous tenté de dire au sujet de The house of Gucci que le réalisateur de Blade Runner a réalisé un an plus tard. Mettre à l’écran la biographie de Maurizio Gucci avait tout du piège, et plusieurs réalisateurs, à trop vouloir proposer un cinéma-vérité, en seraient restés à un propos proche du documentaire, sans relief artistique, et surtout, n’auraient pas su trouver les ingrédients pour maintenir le spectateur en éveil autour de cette histoire d’affaire, somme toute, quoi que cela soit cynique, ordinaire. Mais Ridley Scott, précisément a su trouver les différents angles d’attaque, il s’est, en premier lieu, parfaitement entouré, à commencer par son casting cinq étoiles: Lady Gaga rayonne comme elle avait su le faire dans A star is born, Adam Driver parvient à se transformer et à incarner, avec une sensibilité intéressante Maurizio Gucci, Jared Leto est méconnaissable et trouve un rôle digne d’opérette (son personnage est fabuleusement drôle et son interprétation y participe grandement), Al Pacino trouve lui aussi un rôle qui nous renvoie à ses heures de gloire -(le parrain ne semble ici pas si lointain), Jeremy Irons fait du Irons (classe et malsain tout à la fois) même Salma Pinault-Hayek (Gucci appartient à la marque Pinault) est intéressante dans un second rôle, sur un sujet que sa famille doit connaître par cœur.
D’un projet de commande, Ridley Scott parvient à proposer un film au rythme excellemment maîtrisé, au propos le plus souvent fin, psychologiquement intriguant (l’Homme y est questionné façon tragédie grecque, ou, pour être plus précis, toscane) quand il n’est pas tout simplement drôle. Le récit choisit de développer des instants et d’en accélérer d’autres avec goût, et une fois encore, une grande maîtrise, qui n’est pas sans nous rappeler celle dont Marco Bellochio a fait preuve quand il s’est agit de mettre à l’écran, et avec courage, un pan tout entier de l’histoire de l’Italie récente (Magnifique Le traître), à ceci prêt que Scott n’opte pas pour un focus sur le procès de l’affaire en question, lui préférant un procès en continue, caméra au poing.
Le comique, le romantisme de l’histoire d’amour sous-jacente, la trajectoire changeante et évolutive de chacun des personnages, les intrigues principales et secondaires qui s’invitent, les manœuvres financières rendues audibles sans vouloir trop en faire (à l’antipode de Fincher donc), les réflexions sur le goût et l’ironie qui s’y immisce, les très jolis portraits et l’italienneté qui s’en dégage ostensiblement, le visuel très soigné, sont autant d’ingrédients qui viennent pimenter un ensemble dont on regrette juste qu’il n’ait pu être composé [car il s’agit bien d’une composition brillante] dans sa langue originelle, l’italien.
Ridley Scott nous aura tour à tour livrer deux des meilleurs films projetés en 2021, nous en sommes d’autant plus agréablement surpris, que son retour en grâce (et en forme), n’était pas forcément des plus faciles à prédire, tant sa carrière aura pu montrer qu’il était capable du meilleur comme du plus anodin.