The Stars at Noon de Claire Denis
Avec Margaret Qualley, Joe Alwyn, Danny Ramirez
« En 1984, en pleine révolution nicaraguayenne, un mystérieux homme d’affaires britannique et une journaliste américaine vivent un amour passion. Lorsqu’ils sont pris dans un tourbillon de mensonges et de complots, ils sont forcés de sortir du pays, en ne pouvant compter que sur eux-mêmes. »
Notre avis: ***
Claire Denis propose avec Stars at noon un film lorgnant du côté du polar noir par certains aspects mais qui, pour autant, reprend tout ce qui peut faire la sève de son cinéma. Le récit entremêle sensualité, désir et amour naissant, avec grâce, soit ce mélange de puissance et de délicatesse dont elle sait faire usage depuis son premier long métrage Chocolat.
Un blues jazzy accompagne le film de tout son long, en première tonalité. Le rythme d’ensemble, lent, sert à traduire l’intensité et le temps relativement réduit pendant lequel s’écoule cette histoire sur fond de géopolitique et d’espionnage. Il maintient un mystère palpable de bout en bout, mais aussi une tension qui ne tient pas tant à l’intrigue en elle-même, plutôt secondaire ou, dirons-nous, prétexte aux sensations que Claire Denis cherche à mettre à l’écran dans chaque gros plan, chaque mouvement, qu’il s’agisse d’une fuite, d’un corps à corps, d’une étreinte, ou d’un jeu de regard significatif. La moiteur, la lumière équatoriale, la pluie battante, l’omni présence des policiers et militaires dans les plans extérieurs participent également à ce trouble pluriel. S’il faut chercher des références, elles seront bien entendues du côté de Claire Denis en elle même (plus ses récits subtropicaux que ses quelques films trashy, comme trouble every day) mais peut être également du côté du cinéma italien d’Antonioni (Profession reporter nous vient immédiatement à l’esprit) à moindre titre, de celui de Bertolucci (on pense à la référence Brando pour le personnage masculin principal, taiseux, mystérieux). Le rythme lent et sensuel rappelle aussi celui si cher à Jane Campion. Claire Denis l’emprunte à son auteur, Denis Johnson, et plus globalement à la littérature (on pense à quelques œuvres du nouveau roman français également – de Robbe-Grillet à Duras, ou encore à Transit d’Anna Seghers).
Le couple formé à l’écran par Margaret Qualley et Joe Alwyn fonctionne sur le principe de l’attraction des contraires, deux pôles magnétiques, deux êtres égarés qui cherchent dans leur union à fuir leur quotidien, leurs angoisses, leurs peurs, et qui tiennent et résistent par le désir, que la moiteur et la luxuriance du pays appelle.
Par et au delà de l’atmosphère qu’il parvient à insuffler, Stars at noon brille par sa maîtrise de bout en bout et captive. Son récit nous entraîne, nous envoûte – sans pour autant viser le réel – et à aucun moment ne nous semble artificiel, en ce qu’il vise non pas tant à instruire, divertir, ou émouvoir, mais bien plus à transcrire un état d’âme, à relater un état du monde – le film se sert d’ailleurs des restrictions sanitaires covidiennes- , but qu’il atteint parfaitement.