Cassandre, 26 ans, est hôtesse de l’air dans une compagnie low-cost. Vivant au jour le jour, elle enchaîne les vols et les fêtes sans lendemain, fidèle à son pseudo Tinder Carpe Diem. Une existence sans attaches, en forme de fuite en avant, qui la comble en apparence. Alors que la pression de sa compagnie redouble, Cassandre finit par perdre pied. Saura-t-elle affronter les douleurs enfouies et revenir vers ceux qu’elle a laissés au sol ?
Premier long-métrage d’Emmanuel Marre et Julie Lecoustre, Rien à foutre dresse le portrait d’une jeune femme hôtesse de l’air, désinvolte et sans attaches. Tel est le synopsis. Mais nous nous rendons compte très vite, que derrière ce « Rien à foutre » dressé par Cassandre, se cache surtout le « Rien à foutre » d’une société actuelle qui privilégie le consumérisme au vivre-ensemble.
Comédienne de tous les plans dans ce long-métrage, les années 2021 et 2022 auront vu le grand retour d’Adèle Exarchopoulos sur grands écrans. Tantôt personnage dérangé et dérangeant dans Mandibules de Dupieux, femme flic dans Bac Nord, la jeune actrice endosse ici le costume d’hôtesse de l’air low-cost au sein de la compagnie Wings – qui semble représenter Ryan Air à travers un code couleur et des pratiques managériales identiques -.
On pourrait aisément dire qu’Adèle Exarchopoulos porte le film sur ses épaules tant ce rôle semble être écrit sur mesure. En réalité, il conviendrait de nuancer cette affirmation au vu du travail des deux réalisateurs/scénaristes. Ils se sont beaucoup documentés sur les hôtesses de l’air low-cost. En principe, une véritable hôtesse aurait du jouer le rôle de Cassandre, mais les histoires relatées à travers de nombreux entretiens ont créé un personnage à part entière, plus fictif et seule une actrice professionnelle pouvait en faire ressortir avec justesse les différentes tonalités, nuances.
Caméra à l’épaule, le film a des apparences de documentaire. Et pour cause, les conditions de tournage ont voulu être le plus fidèle possible à la réalité terrain; les scènes sont filmées dans des avions en plein vol et non en condition de studio, comme en témoignent certains plans à travers les hublots et le bruit des réacteurs incessant.
Rien à foutre dépeint dans sa première partie la pénibilité de ce travail, l’extrême représentation des hôtesses en tout temps, dans une lumière crue, et dans un manque criant de reconnaissance, dressant la critique d’une société néolibérale qui n’en a « rien à foutre » de ses employés. La compagnie aérienne les forme à des tests révélant l’absurdité du modèle de société actuel -on pense ici à la scène des sourires de trente secondes.
Et puis Cassandre rentre chez elle après une période de mise à pied. Après une transition en 35mm d’images de sa ville natale, l’ambiance se fait plus douce, plus feutrée, les lumières moins crues, moins vives. Le retour à l’intime et l’acceptation du deuil « à l’envers » s’effectue alors, au sol, dans le retour à la nuit et à la promiscuité.
Le film s’achève avec un goût amer, la crise covid passée par là, toute l’absurdité de ces voyages et du paraître face aux distanciations sociales et aux visages masqués mettent à mal cette articulation de l’humain et du social, auparavant déjà fragilisée.