Site icon Le Mag Cinéma

Parthenope – Le film somme de Sorrentino

Sorrentino livre avec Parthenope un film somme, qui tente à donner à voir une synthèse de son cinéma à l’instar d’autres cinéastes, avec plus ou moins de succès (Holly motors nous vient immédiatement à l’esprit en exercice réussie). Il se permet, ceci dit, et l’honneur lui en revient, d’y glisser quelques retouches ou variations afin, supposons nous, de prendre en compte des retours fréquents sur sa propension à vouloir trop en faire, son style « m’as tu vu ». Ainsi le voit-on ici tenter des choses nouvelles sans trahir sa ligne directrice, tout en resserrant son intention sur son savoir faire, son regard sur le monde, et son rapport au cinéma.

Doux comme jamais, malgré ses quelques perversités usuelles, Parthenope agit telle la sirène mythique si liée à Naples auquel il emprunte son titre, son inspiration et son mouvement: il aimante de tout son long, se joue en permanence du magnétisme jusqu’à nous troubler. De cette déclaration d’ amour-haine à Naples la belle, ses fastes, ses folies, la fascination qu’elle exerce malgré ses côtés crasseux, Sorrentino tire des réflexions sur la beauté et l’intelligence, la signification de l’anthropologie – allant jusqu’à citer, dans un dialogue aussi anecdotique que souriant, son maître en la matière: Billy Wilder :-)-, la virginité des sirènes, le désir des vieux – et ce fantasme qui laisse entendre que les plus intelligents d’entre eux resteraient séduisant et séducteurs, déjà matière à Youth. Il en profite évidemment pour dézinguer en règle la tartufferie, s’amuser de maximes philosophiques foisonnantes, à prendre ou à laisser. Bien entendu, Naples la belle, c’est aussi le Napoli (sans Maradona ici). Parthenope ambitionne ce tout (ou ne serait qu’une arnaque comme le film le dit lui même, Sorrentino faisant ici preuve d’une certaine distance vis à vis de son inclination naturellement prétentieuse qui lui a si souvent joué des tours) et en cela, propose un geste artistique d’autant plus notable que cette ambition de penser le cinéma comme un art et non un média tend de plus en plus à disparaître.

Sorrentino semble en paix avec lui-même, toujours sûr de lui, mais plus ouvert. Pour Parthenope, sincère cri du cœur, au sujet d’un territoire qu’il connaît sur le bout des doigts, il s’interdit enfin la surenchère, dose de manière plus équilibrée le pathos comme les effets. Il ne ressent pas le besoin de briller par la forme pour masquer un fond qui pourrait manquer de consistance ou d’authenticité, il se pose, pose sa caméra, opte pour un rythme lent mais assuré, suit les pas et les pensées de son héroïne, Parthenope, qu’il construit en miroir de Naples et de son histoire, belle et brillante, intelligente et singulière, provocatrice et libre. Il pose ses belles images sur Naples, ses paysages, sur Parthenope, ses paysages – beaucoup relevèrent à Cannes le male gaze, le plaisir pris à filmer son actrice dans un maillot de bain trop petit, à l’instar de ce qui fit le succès d’Alerte à Malibu, quand d’autres notent le parti pris plus féministe de montrer une femme qui domine les hommes, par son intelligence et pas ses charmes. Il s’interdit enfin ces mouvements de caméras futiles qui firent certes sa renommée de cinéaste virtuose mais aussi constituait une limite évidente à voir en lui un artiste accompli. Parthenope réunit les ambitions de La Grande Bellezza et de Youth à lui tout seul, et, nous furent surpris qu’il ne trouva place au palmarès du festival de Cannes, nonobstant cette légitime réserve quant au male gaze.

Quitter la version mobile