Maryline a grandi dans un petit village. Ses parents ne recevaient jamais personne et vivaient les volets clos. À 20 ans, elle « monte à Paris » pour devenir comédienne. Mais, elle n’a pas les mots pour se défendre. Elle est confrontée à tout ce que ce métier et le monde peuvent avoir d’humiliant mais aussi de bienveillant. C’est l’histoire d’une femme, d’une femme modeste, d’une blessure.
Guillaume Gallienne, avec Les garçons et Guillaume à table! a reçu de nombreuses récompenses, que ce soit au théâtre, sa seconde famille, ou au cinéma. Le récit a séduit par sa dimension personnelle, par son ton, comique bienveillant, jamais grinçant, ses bons mots. La mise en scène se distingue également, Guillaume Gallienne distille les figures de style, mises en abîme, allégories ou métaphores de façon habile, sans jamais tomber dans l’intellectualisation, dans le concept. Nul ticket d’entrée, la matière première est directement accessible, sans fard. Elle se trouve principalement au rayon des émotions, celles d’un enfant qui ayant grandit dans un monde qu’on a choisi pour lui, qui n’était pas nécessairement le sien, va finir par y trouver quelques avantages, s’en émanciper et grandir. Autobiographique, et initiatique tout à la fois, le rythme suit, alerte.
Guillaume Gallienne a su donc se faire apprécier en tant qu’artiste sincère, qui sait sublimer son propre matériau pour s’attirer de la sympathie, de la reconnaissance – très belle mise en abîme au demeurant.
Si le coup d’essai s’est transformé en coup de maître – les ingrédients réunis s’accordant parfaitement, l’originalité et la créativité en ressortant d’autant plus- pour autant, il s’agissait d’une première oeuvre. Personne ne parle, à notre connaissance de Guillaume Gallienne comme un maître du septième art: il lui reste à faire ses preuves, à se mettre en danger, à montrer qu’il possède plusieurs cordes à son arc, qu’il sait émouvoir, intéresser sur des sujets différents ou au contraire tracer un chemin, à prouver qu’il ne s’agissait pas d’un simple coup de chance.
Maryline, son nouveau film, se présente donc à nous non plus comme une éventuelle révélation , mais comme une confirmation potentielle. Notre curiosité en en forcément aiguisée.
Notre devoir est ici de prévenir, l’universalité de Les garçons et Guillaume à table! a disparu, Guillaume Gallienne s’attaque en effet à un sujet plus difficile, qui lui est nécessairement très cher, mais qui est bien plus difficile à faire partager. Son premier film parlait de lui, de son succès. Dans une époque où chacun rêve de son heure de gloire, les success stories n’ont jamais eu autant d’écho. Chacun y trouve l’occasion de s’y raccrocher, voire de s’y reconnaître.
Son second film parle toujours de lui, cela nous a semblé une évidence, mais d’une part bien plus sombre de lui, plus profonde également, mais bien moins fédératrice. Il s’agit d’évoquer un sentiment complexe, ambivalent, d’insatisfaction, de mal être lié aux origines, que l’on cherche parfois à quitter, mais qui nous colle, nous retient, que l’on ne souhaite pour autant pas renier. Il s’agit d’exprimer la difficulté de quitter un monde pour un autre, de découvrir l’envers du nouveau décor, le fossé et l’incompréhension des autres. En somme, il s’agit d’évoquer la désillusion.
Les spectateurs forcément ne peuvent en être que désorientés. Guillaume Gallienne a commencé par leur vendre du rêve, cette fois-ci, le rêve est mis en perspective, il est questionné.
Exit l’humour, exit Guillaume Gallienne à l’écran, exit le « Je », le nombrilisme, place à Elle, Maryline, sous les traits d’Adeline D’Hermy, une pensionnaire de la Comédie Française que l’on retrouve aux côtés notamment de Vanessa Paradis, ou d’Alice Pol. La lumière est crue, le ton dur. S’il doit s’agir d’une fable, elle sera amère, d’emblée le sujet se dévoile doublement. D’une part, la question des origines peu reluisantes, austères, est habilement suggérée par une scène qui tournera à l’absurde mais empreinte de symbole, où des femmes à l’identité non directement dévoilée tentent de disperser des cendres d’un homme visiblement très peu regretté. Parmi elles Maryline, à qui on demande un discours mais qui pas plus que les autres n’a de mots pour honorer la mémoire du défunt, son père. Un malaise évident se ressent dans les origines familiales, nul besoin de le préciser, libre à chacun de deviner. La première note est donnée, celle de la pudeur.
D’autre part, nous retrouvons notre héroïne, au prénom qui en dit long, embrasser une carrière d’actrice, et connâitre même ce qui s’apparente à un coup de pouce du destin. Un réalisateur allemand voit en elle une grande actrice, et lui confie un petit rôle avant de lui proposer un rôle plus conséquent. En tournant de nouveau la suite de la scène à l’absurde, vient la seconde note du film, celle de la désillusion.
Ces deux notes nous suivront tout le long du développement du récit. Sans jamais verser dans le drame, sans jamais choisir non plus d’user de ressorts comiques, Guillaume Gallienne parvient, à l’instar de Xavier Giannoli par exemple dans Marguerite, à nous désorienter, à nous proposer une narration douce amère, qui alterne parfaitement entre espoir et désespoir. Il tait son intention, la masque même. Cette pudeur dans le traitement semble transcrire celle de l’héroïne, désorientée, perdue, traumatisée, qui passe sous silence ses maux. La dimension intime n’en est que plus forte; Maryline boit pour oublier, pour se divertir, pour se rapprocher de s a condition. Elle se détruit, se bloque, se complaît dans une situation statique peu enviable. Pour autant, la chance va et vient, elle se présente à elle de façon régulière, ils sont quelques uns à croire en elle, à l’aimer, à vouloir la relancer, quand bien même tout semble perdu. Les montagnes ne sont pas russes ceci dit, le destin semble s’inviter en permanence, Gallienne prend plaisir à brouiller les pistes, à alterner espoir et désespoir, rires et larmes, à confondre scène et vie – on pense ici à un tableau particulièrement réussi qu’on vous laissera découvrir.
Le mot de la fin, Maryline ne le prononcera pas. Elegamment, Gallienne choisit de nous le faire entendre dans une douce et agréable chanson. Vanessa Paradis l’interprète tout en délicatesse, rappelant au spectateur que tout partait d’une blessure.