Gabriel Laurens, cinquante ans, est « agent de recherche privé ». Lorsque sa nièce Jade, 15 -16 ans, surgit dans sa vie pour lui demander d’enquêter sur la mort de son père, le détective voit rejaillir des souvenirs qu’il pensait enfouis pour toujours. Confronté aux fantômes de son passé, Gabriel Laurens va se trouver aux prises d’une étrange enquête mêlant, faux-semblants, fantasmes et trafic de stupéfiants.
Nous l’avions manqué à Cannes, pourtant il faisait partie des films que nous tenions à découvrir. A Cannes, nous devons faire des choix, et parfois, nous sommes mal inspirés… Car L’autre Laurens ne fait pas grand bruit, au contraire du règne animal qui a trouvé des supporters au rang desquels nous comptons partiellement (le film nous a totalement divisé!), et pourtant, quel magnétisme ! Le geste d’un cinéaste qui dépasse très largement le coup d’essai, qui avait déjà beaucoup fait parler de lui lors de ses films précédents (Braquer Poitiers! et Lucie perd son cheval), et qui maîtrise désormais son art.
L’art de divertir, d’interroger, de maintenir en éveil le spectateur, par les différentes directions que le film prend, ses jolis instants qu’il réserve, que ce soit l’émotion jamais très loin, les détours scénaristiques, les belles qualités plastique du film, la magnifique direction d’acteur, et l’ambiance générale du film, parfaitement ambiancée par une bande sonore au centre même du projet. Claude Schmitz, se permet même le luxe (à la façon Kaurismaki) de convier ce bon vieux rocker Rodolphe Burger pour interpréter un flic à la française, à la ramasse mais charismatique à sa façon, qui semble tout droit sorti du cinéma de Bruno Dumont.
En proposant un cinéma provincial inspiré, L’autre Laurens brasse les genres de façon très étonnante (et réussie). Philosophe et drôle comme peuvent l’être les bons Dumont, farfelu par instants à la Guiraudie ou à la Almodovar, clinique en d’autres, – on pense même à Drive !-, poétique souvent – à la Beineix, le cocktail, explosif et improbable, prend presque par miracle, tenu par l’interprétation remarquable de son duo d’acteurs – l’excellent Olivier Rabourdin qui se dédouble et la très troublante et touchante Louise Leroy, qui nous hypnotisent, et se fondent parfaitement et dans le décor – la Dordogne et Perpignan mis à l’honneur- et dans le rythme, alenti et formidablement bien équilibré.
Le geste étonne également en ce qu’il comporte des aspects littéraires (récit qui pourrait s’inscrire dans le réalisme magique), une intention artistique forte et assumée (univers visuel très coloré, univers sonore saturé), une intrigue à la fois simple et complexe, qui s’autorise quelques réflexions psychologiques sur la gémellité, le rapport concurrentiel entre frères, la construction de l’un par rapport à l’autre, mais pour autant se refuse à tout élitisme et reste accessible à un public très large, jouant sur les émotions, les ressorts surprenants, les instincts primaires également – L’autre Laurens peut parfaitement être reçu comme un film d’action, mystérieux, rendu imprévisible à force de fausses pistes et sans coutures. Une très belle découverte, et un coup de cœur que l’on vous partage !