Lucile Hadzihalilovic avec la Tour de glace se joue de l’imaginaire des spectateurs, et s’appuie sur un mythe que Disney a déjà exploité, la Reine des neiges, mais en cherchant à explorer et à démultiplier le côté sombre de ce conte. Elles s’adresse à des adultes avant tout, à leur intelligence, à leur appétit morbide, traite, se joue et fait appel à l’anxiété du spectateur. Elle nous entraîne dans un récit à hauteur d’enfant, horrifique, cauchemardesque, mais qui se joue sur un fil, à l’équilibre très étudié, entre fascination et mise en danger.
Avec cet exercice de style fort réussi, elle donne au conte une texture envoûtante, pour précisément évoquer, avec tact et élégance, le sujet de l’emprise, de la fascination que peuvent avoir les jeunes filles pour des personnages comme la reine des neiges, ou pour des actrices. Le duo Marion Cotillard (qui retrouve un rôle proche des jolis choses de Paquet Brenner), Clara Pacini fonctionne à plein, offrant un effet miroir évident, et qui plus est Lucille Hadzihalilovic se paye le luxe de déplacer le conte hivernal, dans la fabrique même du cinéma, allant jusqu’à révéler ses trucs et astuces. Le tout nous embarque, précisément car l’esthétique et les ingrédients propres aux contes nous renvoie à la fascination que nous pouvions nous même avoir enfant pour ces récits, pour ce qu’ils ont de formateurs, ce qu’ils disent de la vie, de la mort, ce qu’ils comportent de philosophie bien au delà du simple effroi. Une très belle réussite donc, probablement de 11 à 111 ans, même si les éléments morbides ou sanglants (petites touches très stylisées) ont de quoi alimenter quelques cauchemars, même si l’insertion du réel dans le conte, la prise de distance, peut parfois nous en sortir.