Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez Elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs… est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ? Un thriller haletant sur un scandale d’état.
En adaptant le livre éponyme de Caroline Michel-Aguirre, Jean-Paul Salomé propose avec La syndicaliste un film qui s’inscrit dans la tradition des grands films politiques français, qui connut son apogée dans les années 70, avec des films tels Z de Costa-Gavras. A Venise, et partout où il a été projeté en avant-première, le film a fait forte impression, par son approche courageuse, le sujet qu’il met en lumière, mais aussi, par l’efficacité de sa mise en scène, et de son procédé narratif. Le film dénonce de manière frontale des agissements au plus haut de la pyramide française, et, fait peu commun, a le courage de citer les personnes impliquées (Sarkozy, Montebourg, le président d’EDF, le président d’Areva, …), potentiellement sous la menace de retours de bâtons. Si le cinéma américain ne s’interdit souvent pas de s’attaquer à des faits récents et de les porter à l’écran, quitte à manquer de recul, mais dans l’espoir de multiplier les regards sur ce qui porte à scandale, il est difficile d’en dire de même du cinéma français, qui préfère le plus souvent s’attacher à des portraits d’hommes ou de femmes politiques quand ils ne sont plus en vie ou en fonction, pour des résultats plus ou moins réussis – certains tombent aisément dans l’écueil de l’imitation ratée à en devenir ridicule, ou bien, pour les plus intéressants d’entre eux (L’exercice de l’état de P. Schoeller par exemple), préfèrent s’aventurer du côté de la fiction pure et simple et inventer des hommes politiques qui, s’ils peuvent rappeler des personnes en particuliers, prennent le soin de l’anonymat pour viser plus large et ne pas s’attirer des critiques sur leur caractère potentiellement pamphlétaires.
Très bien servi par un casting de comédiens français (Marina Fois, François-Xavier de Maison, Grégory Gadebois, Yvan Attal notamment) qui semblent tous investis et prêts à endosser des costumes qui ne sont pas les leurs pour servir la cause, emmené par une Isabelle Huppert elle aussi très à l’aise et parfaitement crédible en Maurine Kearney dont elle épouse le look, La syndicaliste cherche à trouver le juste équilibre entre sa composante dénonciatrice politique, le fait divers, le thriller, mais aussi le drame humain qui se joue, qui entraîne des différences de comportements entre les uns et les autres, accordant une large place à ce que l’on pourrait désigner comme une grammaire des sentiments, des émotions et comportements humains. Et il y parvient très honorablement.
Parmi les éléments troublants du film, nous avions notés certaines scènes qui de prime-abord peuvent sembler pensés pour la dramaturgie (certains détails en effet ont été quelque peu réaménagés pour générer plus d’impact, et de fait, alimenter le thriller, sans nécessairement trahir la réalité), mais en échangeant avec Jean-Paul Salomé, il nous apprend que les détails les plus choquants ont bien été repris des éléments d’enquêtes vérifiés.
Le film ne peut que faire réagir du côté des politiques, qui plus est à une époque où leur côte de popularité est au plus bas, et devrait assurément provoquer quelques remous … Secrètement, Jean-Paul Salomé espère que son film aidera à réouvrir l’épisode judiciaire qui a épuisé Maureen Kearney…