Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l’Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l’institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d’une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays..
La conspiration du Caire (Boy From Heaven lorsqu’il fut projeté à Cannes en compétition officielle) appartient, dirons-nous, à la catégorie pas si fréquente des thrillers politico-religieux. Bien ficelé et malin, il s’inspire d’un contexte peu connu, la volonté du gouvernement égyptien chiite de contrôler toute forme d’opposition, et en premier chef, une confédération sunnite concurrente. Le gouvernement, tente par tous les moyens en son pouvoir, – et la fiction ici non seulement s’inspire mais rejoint probablement la réalité – d’influer sur les élections des Imams. Le scénario se joue des stéréotypes pour nous embarquer dans les labyrinthes du pouvoir, où les jeux d’influence composent avec les trahisons et les exactions manipulatrices. A mi-chemin entre Z de Gavras et Le nom de la Rose de Jean-Jacques Annaud, s’amuse à rendre son récit tout aussi labyrinthique que les arcanes du temple où l’élection se joue. Toute personne, tout acteur du puzzle, peut ainsi avoir ses convictions, ses intérêts, une ambition, être influençable, influencée, jouer un double jeu, lutter pour la justice ou au contraire trahir, ses convictions ou son pays.
Tarik Saleh refait appel à son acteur fétiche Fares Fares pour tenir le haut de l’affiche, et composer un personnage d’inspecteur tout aussi charismatique (par sa désinvolture, son humour, son aisance ou au contraire sa maladresse) que détestable. En cela, en trimballant sa silhouette dissonante (à la Colombo, tout comme Cassel dans Fleuve Noir) entre le temple, les couloirs des bâtiments ministériels, en campant un personnage à la fois simple et complexe, plus que tout autre, il brouille les pistes de la mince frontière entre le politique et le religieux – quand sa fonction l’encouragerait davantage à démêler l’intrigue policière qui le meut.
Parce qu’il a le chic de mêler humour, rebond dramatique inattendu, un certain sens de l’action et une critique de la société égyptienne – mais pas que – plus virulente qu’il ne peut y paraître, parce qu’il bénéficie d’une belle précision dans son écriture, La conspiration du Caire parvient à nous divertir et à nous intéresser de tout son long, et le prix du Scénario qu’il a obtenu à Cannes cette année nous semblait parfaitement justifié.