Quelqu’un ne prisant pas spécialement le cinéma de Ken Loach est peut-être davantage objectif qu’un public déjà acquis. C’est ici le cas de l’auteure de cet article.
Allons droit au but : I, Daniel Blake est un chef-d’oeuvre. Un des meilleurs film de Loach depuis… depuis quand déjà ?
Loach n’est en rien formaliste, on le sait : ni cadrages esthétisants, ni acteurs connus et glamours. Mais, à l’instar des plus grands auteurs qui sont ses opposés, il sait parfaitement créer une immersion totale et captivante dans le film, comme si nous étions passés au delà de l’écran.
D’aucun, décontenancés de ne trouver nul repère de « Cinéma », comparent les protagonistes principaux à Michel Bouquet, ou, concernant le personnage féminin, à Marion Cotillard ou Mila Kunis. Ils ont affaire à deux personnes, qui ne sont pas des personnages, et leur total anonymat ne les fait exister que plus fort, nous les rencontrons, nous sommes eux.
Dans ce film, où se lient deux victimes de l’absurdité et de la cruauté du monde actuel (celui de 2016), Loach livre un message d’un impact plus fort que n’importe quelle manifestation ou « Nuits debout« .
Mais il n’est pas Zola : les sentiments- des sentiments qui n’existent nul part ailleurs, ni dans les romans, ni dans aucune fiction-, sont là, si subtils, tout aussi importants que le message à charge, violent, qu’il compte livrer à la face d’un monde où sévit une déshumanisation et un libéralisme sauvage.
C’est un film émouvant, sans utiliser les subterfuges tire-larmes, par son authenticité même : le portrait sans fards de notre société actuelle, et celui des laissés pour comptes, plus humains, complexes et solidaires que les gens nés sous une bonne étoile.