Alors qu’il n’arrive toujours pas à se remettre d’un drame personnel, Yusuke Kafuku, acteur et metteur en scène de théâtre, accepte de monter Oncle Vania dans un festival, à Hiroshima. Il y fait la connaissance de Misaki, une jeune femme réservée qu’on lui a assignée comme chauffeur. Au fil des trajets, la sincérité croissante de leurs échanges les oblige à faire face à leur passé.
L’adaptation cinématographique de l’œuvre de Haruki Murakami, célèbre écrivain japonais, était notre grande découverte à Cannes cette année. Rien que le titre (qui fait référence à une chanson des Beatles), et puis la présence de pièce de Tchekhov, montre l’intérêt de Murakami pour la culture occidentale (toujours présent dans ses romans et ses nouvelles).
L’approche esthétique du film s’avère classique et ne s’écarte pas d’un schéma conventionnel; le récit semble simple et ordinaire au début, mais le cinéaste crée peu à peu une atmosphère mystérieuse, pour mieux dessiner le portrait d’un comédien de théâtre et sa confrontation avec le deuil (mort de sa femme) et, plus perturbant encore, sa découverte de la trahison de sa femme peu de temps avant sa mort. Nous le suivons quand il déménage à Hiroshima pour répéter « Oncle Vania » avec une troupe de comédiens de différentes nationalités, et faire la rencontre d’une conductrice discrète – malgré sa volonté. Bien que l’approche du film vis-à-vis du texte de Tchekhov ne soit pas expérimentale, elle trouve un lien intéressant avec le récit et le destin des personnages.
Outre la simplicité de l’histoire, la force du film vient finalement de ce personnage principal, triste et silencieux, qui ne râle pas dans les situations difficiles, qui tolère son sort sans exigence particulière. La beauté du film se trouve dans les belles habitudes de son quotidien. L’un d’eux se répète comme un motif : un homme écoutant une cassette dans sa voiture au volant. Nous avions compris dés le début que la femme du comédien enregistrait les dialogues de la pièce sur une cassette en laissant suffisamment de silence à la place des dialogues du rôle masculin, afin qu’il puisse répéter ses dialogues. Plus tard, quand il sera obligé d’avoir un chauffeur, ces exercices se poursuivent avec la présence d’une jeune fille, et le son qui se joue devient progressivement plus étrange après le décès de sa femme. Un homme, une femme, la voix d’une femme morte lisant le texte de l’oncle Vania, et les routes et les chemins qui apaisent les étrangers blessés avec leurs blessures communes.
Trois heures passent, le film se termine, et nous voyons que nous avons fait un long voyage avec cet homme, que nous avons été accompagné par ses souffrances et nous avons senti ses blessures. Une expérience humainement profonde, poétique, belle et cathartique pour le spectateur.