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Chronique d’une liaison passagère: L’insoutenable légèreté du couple (+ rencontre avec Emmanuel Mouret)

Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité…

Le dernier volet de l’œuvre d’Emmanuel Mouret propose une continuité dans le geste cinématographique du cinéaste, et traite de sujets toujours centraux dans son cinéma. 

Cette variation sur son thème de prédilection, c’est-à-dire le couple – l’attirance – l’amour, prend cette fois une dimension plus minimaliste, plus concentrée, plus rythmée, et donne un film visuellement plus charmant et harmonieux, plus surprenant; plus philosophique également. A nos yeux, Emmanuel Mouret démontre ainsi sa capacité à réaliser un nouveau film sur les mêmes bases sans ennuyer le spectateur.

La qualité du film provient particulièrement de sa forme narrative structurée et de son rythme bien construit, mis en place dès le début. Efficacement comiques, les scènes courtes procurent du dynamisme. Cette rapidité donne lieu d’une part à une certaine légèreté qui s’assortit avec l’univers du film, et d’autre part, nous fait vivre l’expérience mentale de Simon, le personnage principal: pour lui, tout semble trop accéléré; il n’arrive pas à s’accorder avec la vivacité de son amante Charlotte, il a plutôt tendance à réfléchir, à s’alourdir, à ne pas prendre les choses à la légère. Par conséquence, Charlotte prend toujours de l’avance, elle mène toujours la danse. Il y a quelque chose de touchant dans l’histoire de Simon, cet homme qui manque de sincérité vis-à-vis de ses désirs.

Ce contraste – assez accentué – de tempérament entre les deux amants, et la différence d’analyse que porte chacun sur leur histoire, donnent l’occasion à Mouret d’inonder le film de dialogues sur la nature des sentiments amoureux. Ce qui rapproche Chroniques d’une liaison passagère, plus claire que jamais dans la filmographie de Mouret, du cinéma de Woody Allen. Outre le jeu de Sandrine Kiberlain, qui semble prendre comme modèle Diane Keaton dans Annie Hall, nous notons des clins d’œil directs à ce film phare du cinéaste New Yorkais; comme par exemple la scène de tennis. Mais les références aux auteurs mondialement connus sont multiples: Ingmar Bergman (dont on voit quelques instants de son film Scènes de la vie conjugale à l’écran), Antonioni (reproduction de la fameuse scène finale de L’Eclipse qui montre les lieux, où se baladaient auparavant les amoureux, vides).  Comme si Mouret souhaitait immortaliser l’image de son couple en l’associant à une mémoire filmique inoubliable.

Le film, décliné successivement dans les intérieurs bourgeois joliment éclairés et mis en scène (même si on sort de temps en temps pour passer un moment dans la nature), est doté d’une certaine élégance. L’élégance: le mot clé que Simon utilise et répète plusieurs fois, pour remarquer la qualité première de cette relation et surtout les codes moraux que Charlotte et lui respectent. En cela l’expérience de Mademoiselle de Jonquières a servi Mouret, à déployer dans son film une certaine codification visuelle, comportementale et langagière liée à la bourgeoisie. Quoique Charlotte et Simon instaurent comme convention entre eux un mode de vie libertin, les instincts humains (par exemple la jalousie, la possessivité, l’amour) surgissent en toute complexité. « J’ai été trop élégant, j’ai étouffé ma jalousie, on a tout raté » dit Simon à la fin du film. L’élégance de Mouret, qui n’exclut pas les pulsions contradictoires sous-jacentes, par contre, donne lieu ici à un des films les plus réussis de sa carrière.


Lors de son passage au festival du Film Romantique de Cabourg, nous avons rencontré Emmanuel Mouret:

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