À l’intérieur d’un tribunal, Zain, un garçon de 12 ans, est présenté devant le juge. À la question : » Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? « , Zain lui répond : » Pour m’avoir donné la vie ! « . Capharnaüm retrace l’incroyable parcours de cet enfant en quête d’identité et qui se rebelle contre la vie qu’on cherche à lui imposer.
Véritable choc sur la croisette, Nadine Labaki a frappé très fort avec Capharnaum, un film chargé émotionnellement et qui s’autorise une forme osée et pour autant parfaitement adéquate. Son titre en dit long sur ce qu’il vous sera donné de voir, un méli-mélo intense, d’une très grande énergie, qui fait ressortir comme rarement une pulsion de vivre, malgré les difficultés environnantes.
Une forme survitaminée
Capharnaum n’a rien à envier en terme de rythme à un #SlumdogMillionnaire par exemple, c’est dire le tour de force… Les premières images de rue donnent l’ambiance, sonore, vivante, la caméra se fraye un chemin au milieu d’une foule agitée, d’où déborde une énergie prodigieuse. Les gens, et en premier les enfants peuplent ces lieux où les combats ont fait rage, peuvent encore sévir. Traduire cette intensité ne pouvait se faire que par un dispositif cinématographique qui ne compose pas ses plans un à un, mais au contraire se laisse déborder par la scène en elle même.
Le film monté en première version faisait 12 heures !
Nadine Labaki n’en a retenu que la sève, pour ainsi proposer une déambulation citadine, dans une Syrie refabriquée au Liban.
L’exercice de montage n’est pas sans rappelé le film coup de poing de 2011 sur la croisette, Polisse de Maiwenn; qui usait d’un procédé similaire.
Un film puissant
Capharnaum nous rappelle également un autre coup de coeur que nous avions pu avoir sur la Croisette, qui s’était terminée – c’est tout le mal qu’on lui souhaite- par une palme d’or: La vie d’Adèle. Cette fois, outre là aussi le travail de montage qui resserre un film sur ces instants les plus intenses, la comparaison vaut pour le parti pris de faire sujet une palette d’émotions traversée par un petit nombre de protagonistes, dans un tempo qui feint le temps réel, de façon quasi brutale, sans fard: de l’émotion, de l’émotion et encore de l’émotion; un choc permanent. Le force provient du pathos de la situation, du procédé filmique, du procédé narratif également, qui s’autorise des allers retours explicatifs, mais aussi et surtout du sentiment de vérité qui se dégage du moindre geste, et surtout du moindre regard de chacun des acteurs.
Un très jeune acteur hypnotique, un jeu brillant de l’ensemble du casting
Il est très difficile de ne pas être subjuguée par le très jeune #ZainAlRafeea, remarquable d’aisance dans sa composition de bout en bout. Il ne semble pas joué, il semble acteur né, comme pouvait l’être le jeune Jean-Pierre Léaud lorsqu’il postulait pour interpréter Antoine dOisnel dans les 400 coups. Il nous paraît très évident, sauf à faut de goût, que Zain repartira avec le prix d’interprétation masculine, tant sa composition respire la sincérité, la vérité. Le détachement qu’il manifeste en conférence de presse en dit long sur sa nature; il n’a pas joué pour jouer comme un acteur se charge d’une émotion qu’il connaît et retranscrit du mieux qu’il puisse, il s’est livré naturellement, tel qu’il est, a donné de lui même.
Le casting (sauvage) de Nadine Labaki donne d’une manière générale toute sa vérité au film et la jeune fille qui tient le second rôle de Zaïn en est la preuve ultime; en conférence de presse elle nous apprend que sa situation personnelle est en tout point comparable à la situation décrite dans le film, et émeut nécessairement tout le parterre de journaliste devant tant de difficultés existentielles.
Ce matériau là, Nadine Labaki a su le livrer brut de fonderie, sans exploitation; le diamant n’est pas taillé, il brille de mille éclats.
Bravo.
Mise à jour post palmarès: Capharnaum obtient le prix du jury uniquement et non la palme d’or, à notre grande déception …