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Avec Résurrection Bi-gan se livre à un exercice de style un rien onaniste

Avec Résurrection, Bi-gan nous convie, comme nous l’escomptions, à une nouvelle odyssée, cette fois-ci essentiellement cinématographique. Bel exercice de style, très bon travail de faussaire mais, comme pour ses opus précédents, relativement vain.

Difficile de voir en lui, à ce stade, un artiste accompli, tant sa voix ne porte pas, ne s’affirme pas au delà du simple bricolage, du « mashup ». Picasso ne fut pas encore Picasso lorsqu’il copiait des toiles des plus grands musées. Il cherchait à apprendre des autres, très louable intention. Ses premiers essais cubistes, en rupture avec ses maîtres, l’émancipèrent et firent de lui un maître universellement reconnu. Résurrection ne permet pas, à ce stade, à Bi-Gan de renaître, ni même de naître; son héros, ou plutôt ses protagonistes qui nous servent de guide dans cette traversée du cinéma qui berça Bi-Gan, un peu plus. Ce très bel objet graphique lui permet en tout cas de continuer de montrer, si besoin en était, que la technique n’a pour lui que très peu de secrets, mais aussi de se détacher de l’image qui lui collait après ses premiers travaux, très remarqués, celle d’un disciple de Lynch – quand lui se revendique, à notre grande surprise, de Tarkovski, à l’univers autrement plus profond.

Nous admirons outre le remarquable travail sur l’image, ceci-dit, la brillante proposition sur les transitions de scène à scène, d’univers cinématographique à univers cinématographique, de sens en sens, mais ne tombons pas dans le piège tendu au cinéphage de reconnaître chaque référence de Mélies à Lang, en passant par Murnau (Nosferatu) dés les premières images ou encore Les dames de Shanghai de Welles pour n’en citer que quatre parmi une centaine*. Très bel exercice disions-nous, mais pour qu’il fût réussi, outre une consistance scénaristique (moins de vapeurs dirons-nous, et un univers dialogué plus éloigné des poncifs de science fiction pour enfant, ou des jeux vidéos, nous siérait bien davantage), peut être eut-il fallu s’en tenir à quelques références plutôt qu’à viser une forme d’exhaustivité, absolument impossible, geste bien trop prétentieux de Bi-Gan à ce niveau. La liste des références, si longue soit-elle, manque de nombreux univers pour parfaitement nous séduire et produire un effet whaouh (où sont les Eustache, Rozier, Seria, Melville, Godard, Verneuil et Tarkovski dans tout ça ? où est l’auteur ?)

* le film transite d’époques de cinéma en époques:

Fin XIXe – début XXe siècle Frères Lumière (1895) : Recréation directe de L’Arroseur arrosé (premier film de fiction projeté dans le film)

Années 1920 (expressionnisme allemand et horror muet) Le Cabinet du docteur Caligari (Robert Wiene, 1920) F.W. Murnau (Nosferatu, 1922)

Années 1940-1950 (film noir et thriller) Alfred Hitchcock (Vertigo, 1958) : Musique de Bernard Herrmann réutilisée/remixée ; Orson Welles (La Dame de Shanghai, 1947) : Séquence culte du labyrinthe de miroirs recréée dans un segment espionnage/guerre.

Années 1970 (road movie/comédie dramatique américaine) Paper Moon (Peter Bogdanovich, 1973) : Riff tragicomique sur un escroc et une orpheline

Années 1980 on peut voir des références à De palma (Scarface notamment)

Années 1990-2000: Wong Kar-wai (Fallen Angels, 1995 ;influences de Chungking Express; In the mood for Love, Millennium Mambo, 2001 et les fleurs de Shanghai de Hou Hsiao-hsien, Zhang Yimou (Épouses et Concubines, Le sorgo rouge) et Chen Kaige (Adieu ma concubine)

Post 2000: Apichatpong Weerasethakul (Uncle Boonmee Who Can Recall His Past Lives, 2010) : Éléments surnaturels, réincarnation, esprits dans les rêves, et méditation sur la mémoire/mort, Jim Jarmusch (Only Lovers Left Alive, 2013), Auto-références à ses propres films (Long Day’s Journey Into Night) et à la nouvelle vague chinoise, Jia Zhangke en tête: (gangsters, karaoke, vampire romance)






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