Melvin est super-héros malgré lui. La trentaine bien entamée, il habite encore chez sa mère et ne vit que pour la fête, les femmes et la drogue. Jusqu’au jour où il réalise que la seule façon pour lui de revoir son fils, que la justice lui interdit d’approcher, c’est d’accepter son destin, et d’exploiter ses super pouvoirs pour lutter contre le crime. Mais dans un monde dans lequel personne ne comprend ni sa situation, ni d’où il tient ses incroyables pouvoirs, ces derniers pourraient bien causer sa perte…
Le mélange était très improbable et méritait assurément d’être tenté. Le chaînon manquant entre les super productions américaines et le cinéma indépendant d’auteur. Certes, certains réalisateurs sont spécialistes du grand écart, de l’alternance entre deux œuvres – n’est-ce pas Mrs Aranofsky ou Soderbergh ? – ce qui en soi réunifie les deux industries aux dimensions et aspirations opposées. Mais s’attaquer à un tel projet, à de tels symboles – le héros parfait, l’anti-héros par excellence- à les unir en une seule personne, nécessite de l’audace, d’une part, de l’inconscience peut être, et du talent tant l’exercice est semé d’embûches. Tout est question d’équilibre. La balance ne doit pas pencher d’un côté plus que de l’autre, et quand elle le fait, son oscillation doit rester maîtrisée pour ne pas que naisse chez le spectateur un sentiment de déjà vu, ou de parodie.
L’exercice ne peut aussi en soi que diviser le spectateur, l’amateur de pop-corn dans un multiplexe peut-il s’entendre sur ses goûts ne serait-ce qu’une seule fois avec l’amateur de silence et de petite salle obscure, la nécessité de l’action et du mouvement peut-elle s’accorder avec le drame social, la rédemption, le regard décalé ou accusateur ? Quel peut être le liant ? Il ne s’agit pas tant d’unir le meilleur des deux mondes, cela ne pourrait fonctionner, il s’agit de les confronter, de les retranscrire, des les transposer, de les interroger. Il s’agit de nourrir le propos, de l’articuler, de soigner le scénario, de s’amuser surtout. La fable est proche, le spectateur doit se sentir transporté dans un monde imaginaire auquel il puisse s’identifier. Le récit doit ainsi s’enraciner dans un lieu qui s’y prête, qui sache se prêter à la confrontation des symboles: quel formidable décor que celui de La Nouvelle Orléans !
Qui mieux que Stephen Dorff, que l’on avait déjà vu se jouer d’une image esquintée sous la loupe de Sofia Coppola – Somewhere, pour camper ce rôle d’américain, mélange parfait de Superman et Francis « Frank » Gallagher ? Son visage s’y prête, pouvant être lisse comme doit l’être celui du héros parfait, ou au contraire habité d’émotions comme doit l’être celui de l’homme en lutte contre ses démons.
Fichtrement malin, le film avait été proposé dans une version non définitive au festival de Dinard, histoire de rappeler que l’équilibre à trouver est un exercice de patience: il est désormais temps pour nous de vous en parler – nous avions signé un papier nous interdisant toute critique ! – et pour vous de le découvrir dans sa version finale !