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Una questione privata – Brumes mémorielles

Avec Una questione privata, Paolo et Vittorio Taviani livrent un film de mémoire sur une Italie tiraillée entre partisans et fascistes sur fond de triangle amoureux. Inégal dans son ensemble, ce long-métrage dissolu, car trop allégorique et symbolique, manque de finalité. Si dénonciation il y a, celle-ci paraît insuffisamment incarnée et portée.

Été 43, Piémont. Milton aime Fulvia qui joue avec son amour : elle aime surtout la profondeur de sa pensée et les lettres qu’il lui écrit. Un an plus tard, Milton est entré dans la Résistance et se bat aux côtés d’autres partisans. Au détour d’une conversation, il apprend que Fulvia aimait en secret son ami Giorgio, partisan lui aussi. Milton se lance alors à la recherche de Giorgio, dans les collines des Langhes enveloppées de brouillard… Mais Giorgio vient d’être arrêté par les fascistes.

Le film s’ouvre sur un épais brouillard, véritable personnage à part entière de Una questione privata sur tous les plans tournés en extérieur. Derrière cette épaisse brume flottante, une immense bâtisse apparaît peu à peu. Ces lieux nichés sur les hauteurs piémontaises semblent vides de vie, comme abandonnés. Milton (Luca Marinelli) connaît l’endroit, il s’y engouffre fébrilement. Cette introduction mystérieuse promet un film du même acabit, un objet filmique proche voisin de limbes nimbés de brume.

Malheureusement l’adaptation du roman éponyme de Beppe Fenoglio paraît vite surannée. Paolo et Vittorio Taviani mêlent deux récits en un mais hésitent à privilégier l’un ou l’autre. Noyé dans le brouillard, leur film échoue à trouver un cap à maintenir. Le récit d’un triangle amoureux dévoilé peu à peu, flashback après flashback, peu original et insuffisamment incarné ne passionne pas. La trame narrative centrée sur la lutte engagée par les partisans contre les « cafards » – dénomination attribuée aux fascistes qui ne sont jamais nommés comme tels – avance plus par un biais privé que politique. La destinée intime et personnelle prime ici sur l’intérêt collectif. Cette lutte elle-même est peu filmée, les frères Taviani préférant montrer ses conséquences.

Dans une économie de moyens tant bien que mal masquée par une brume, Paolo Taviani fait une belle utilisation des décors intérieurs et extérieurs. Son frère Vittorio décédé en avril dernier et déjà malade lors du tournage n’a pu prendre part à celui-ci. Sur les plans en extérieur, la brume bouche l’horizon et métaphorise l’Italie de 1944 en guerre intérieure et extérieure. Un conflit dont les protagonistes espèrent sans certitude un terme en mai prochain.

Citant à plusieurs reprises Les Hauts de Hurlevent, le fil narratif procède par va-et-vient entre présent et passé. Les flashbacks plutôt littéraux renvoient l’action un an plus tôt. Cet espace-temps étroit restreint les repères visuels que ne peuvent physiquement arborer les personnages. Le passé, moins brumeux que le présent, arbore des couleurs chaudes alors que l’histoire contemporaine est habillée de teintes automnales accentuées par une brume constante. Au fur et à mesure de sa progression, la narration raréfie les flashbacks jusqu’à un épilogue entièrement dédié au présent.

Le manque d’incarnation semble moins dû à l’interprétation, certes sans éclat, des acteurs qu’à une direction d’acteurs déficiente. Mais malgré tout, Una questione privata propose quelques scènes marquantes : retrouvaille furtive et sans parole à cause du voisinage de « cafards » entre Milton et ses parents, ou cette fillette esseulée au milieu de sa famille récemment décimée. Ces séquences ont pour point commun d’être muettes. Elles sont autant de contre-exemples à des scènes dialoguées moins fortes, voire anecdotiques, marquées par des dialogues insuffisamment portés et profonds.

N.B. Ce film est distribué par la société Pyramide films qui a accolé au film le synopsis reproduit en caractères italiques sur cette page. Sur la page dédiée à Una questione privata (source), le mot qui clôt ce synopsis se voit attribuer un « F » majuscule ! Une « coquille » fort regrettable dupliquée sur de nombreux sites.

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