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Eddy Bellegueule devient Marvin la belle éducation chez Anne Fontaine

Martin Clément, né Marvin Bijou, a fui. Il a fui son petit village des Vosges. Il a fui sa famille, la tyrannie de son père, la résignation de sa mère. Il a fui l’intolérance et le rejet, les brimades auxquelles l’exposait tout ce qui faisait de lui un garçon «différent». Envers et contre tout, il s’est quand même trouvé des alliés. D’abord, Madeleine Clément, la principale du collège qui lui a fait découvrir le théâtre, et dont il empruntera le nom pour symbole de son salut. Et puis Abel Pinto, le modèle bienveillant qui l’encouragera à raconter sur scène toute son histoire.
Marvin devenu Martin va prendre tous les risques pour créer ce spectacle qui, au-delà du succès, achèvera de le transformer.

Présenté en sélection Nouvel horizon à la Mostra de Venise 2017, Anne Fontaine tente assurément quelque chose avec Marvin.

En adaptant le roman à succès Eddy Bellegueule,  d’Edouard Louis, et en choisissant de ne pas en reprendre le titre, le ton est donné. Il s’agit bien d’un film d’Anne Fontaine, exigente réalisatrice qui s’attaque à un sujet dont elle souhaite s’inspirer mais en y mettant sa touche personnelle. Puisqu’il s’agit de raconter l’histoire d’un jeune homme qui renie ses origines, qui cherche à se hisser socialement, à tout prix  à fuir son milieu social, Anne Fontaine commence par changer le prénom, pour une raison qui, loin d’être anecdotique,  donne le ton du film. Pour Anne Fontaine, appeler son enfant Marvin est une idée ridicule; il est important à ses yeux que son héros, dés l’enfance soit doté d’un prénom – et non d’un nom- risible Ainsi, la faute en est jetée toute entière sur ses parents.

Pour ne pas en rester là, le titre se voit renforcer d’un « La belle éducation » qui en dit très long sur le regard porté par la réalisatrice.

Après une première scène qui laisse entendre un parti pris esthétique fort, à la photographie très soignée, et à la mise en scène sophistiquée,  quoi que prétentieuse – mais nulle critique ici, il s’agit justement de montrer une mise en scène moderniste- , s’ouvrent ensuite des chapitres sur l’enfance difficile d’un enfant martyrisé à l’école, victime des railleries de quelques tortionnaires. Est-ce un leurre, une thématique secondaire ou au contraire un véritable sujet ? Le doute s’invite rapidement chez le spectateur. Anne Fontaine n’est pas Michel Franco. A contrario de ce que le  jeune réalisateur mexicain réussit parfaitement dans Despues da Lucia, nous émouvoir, nous tendre, nous priver d’oxygène à n’en plus pouvoir, à  nous faire prendre fait et cause  pour son héroïne, Anne Fontaine, en ce qu’elle use de clichés, en ce qu’elle y glisse son opinion personnelle, manque de nous saisir.

La première partie du récit s’étire, s’égare. Les scènes se prolongent; les aller-retour entre deux tranches de vie de Marvin s’enchaînent sans apporter de développement. Constamment une double impression nous envahit, ambivalente: celle d’un trop peu cotoyant le trop plein.  Les mises en abymes n’offrent pas de répercussion cérébrale, ne provoquent aucun vertige. Les tableaux sociaux, par trop appuyés et distants, nous laissent indifférents. Le rythme et l’intensité se cherchent.

Les impressions premières seront malheureusement celles qui resteront imprégnées en nous, quoi que le récit prenne par la suite de l’ampleur, quoi que le mouvement à mesure de l’ascension sociale s’insère, quoi que la transformation du jeune enfant en éphèbe hypnotique opère (Finnegan Oldfield choisi à dessein), quoi que les rencontres se multiplient.

Nous regretterons alors l’aspect psychologique  trop démonstratif,  le développement d’intrigues secondaires trop nombreuses,  l’horizon théatral, trop manichéen. 

Isabelle Huppert en Isabelle Huppert n’y changera rien, pas plus qu’un Charles Berling aussi peu magnétique que le personnage qu’il interprète est antipathique. Grégory Gadebois propose une interprétation courageuse, son personnage cristallise tout ce qu’Anne Fontaine répugne.

Du début à la fin, Anne Fontaine semble parler de son sujet avec beaucoup trop de distance, beaucoup trop d’idées arrêtées. Derrière le concept ne se dégage malheureusement  nulle vérité, nul éclairage, nulle perspective; seul se démarque le concept, presque nu.  Fake ou a minima trop orienté, on reste le plus souvent à quai. On regrette d’autant plus que la mayonnaise ne prenne pas que le film est assurément riche, le pari osé, le sujet cinématographique.

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