Né le 17 juillet 1958 à Shanghai, Wong Kar Wai apparaît comme l’un des plus dignes représentants du cinéma hong-kongais contemporain. Le Mag Cinéma vous propose un petit retour sur la carrière de l’invité d’honneur du Festival Lumière 2017.
L’œuvre de Wong Kar Wai est d’abord porteuse d’une double tradition propre au cinéma hongkongais, mêlant les codes du cinéma de genre à une approche naturaliste qui n’est pas sans rappeler la modernité du néoréalisme italien. Le film policier (As Tears Go By, 1988 ; Chungking Express, 1994), le film d’arts martiaux (Les Cendres du temps, 1994 ; The Grandmaster, 2013), ou le film de science-fiction (2046, 2004) sont traités à travers une mise en scène stylisée, assortie d’une réflexion profonde sur l’histoire et la société hongkongaise.
Tout comme chez Tsui Hark, l’embellissement de la forme n’enlève rien à la teneur du fond, pourvoyeur d’un discours conscient et engagé. Un entrelacement entre la subjectivité d’un regard (souvent marquée par l’emploi de la voix off) et l’objectivité d’une vision qui ne manquera pas d’interpeller la critique occidentale, Happy Together (1997), film abordant de front la thématique de l’homosexualité, se voyant récompensé du Prix de la mise en scène à Cannes.
Dès lors, Wong Kar Wai acquiert le statut d’auteur réputé. Le diptyque In the Mood for Love (2000)/2046 contribuera encore à renforcer sa présence sur le devant de la scène internationale. Portés par le duo Maggie Cheung–Tony Leung, les deux films associent l’élégance du musical à l’émotion d’un mélodrame méditatif. La poésie des sentiments se heurte à la pesanteur de corps (é)pris à l’intérieur d’un mouvement historique. Celui-ci, semblable à un transport poétique, ne doit pas être appréhendé selon un découpage dialectique mais en fonction d’une dynamique traversée de stries opérant d’incessants allers-retours entre passé, futur, et présent.
Wong Kar Wai développe ici une temporalité tout à fait singulière, soulignée par l’emploi fréquent du ralenti, qui le rapproche du cinéma du taïwanais Hou Hsiao-hsien ou de la manière du Michelangelo Antonioni de L’Avventura ou de La Nuit (cinéaste aux côtés duquel Wong Kar Wai réalisera l’un des segments du film collectif Eros).
À l’instar de John Woo, Wong Kar Wai exportera son talent en Amérique. My Blueberry Nights (2007) s’offre comme une variation autour des deux précédents films du réalisateur. Cette accointance semble pourtant trop souvent appuyée, marquant un manque certain d’inspiration. Ce premier raté appelait un nécessaire renouveau. Six ans plus tard, The Grandmaster s’apparente à une sorte d’achèvement. Le film formule la synthèse des premières influences de Wong Kar Wai et d’une maturité formelle jouant des effets spectaculaires autant que des moments plus contemplatifs.
Dernier jalon en date de sa filmographie, The Grandmaster ouvre le cinéma de Wong Kar Wai à de nouvelles perspectives de recherche qu’il nous tarde de découvrir. À nos lecteurs qui souhaiteraient en apprendre plus sur l’art et la manière de ce grand cinéaste, nous leur recommandons la lecture de l’ouvrage collectif dirigé par Yann Tobin, Wong Kar Wai, édité en 2008 par l’excellente collection Positif.
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