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Interview de Suzanne Clément

En pleine promotion de Mommy, Suzanne Clément, l’une des actrices fétiches de Xavier Dolan a été jurée au Festival Britannique du film de Dinard. C’est dans ce cadre que nous l’avons rencontrée. Entre poutine et la banquise (vous comprendrez en lisant l’article), nous n’avons pas osé lui demander d’où venait son tatouage mentionnant un prénom, pas plus que nous n’avons parlé de son âge -qu’elle ne fait absolument pas !- mais nous avons parlé de Xavier Dolan,  de Catherine Deneuve, de Bretagne et de Cinéma Britannique. Une « entrevue », comme elle dirait, plus que chaleureuse.

Comme nous avons peu de temps pour l’interview  on va attaquer directement sur Mommy

Petits coquins ! (rires)

Ressentez-vous un avant et un après Mommy en France et Outre Atlantique?

Ça commence à ressembler à ça. Par contre c’est toujours un peu difficile à mesurer quand on est dedans. Il y a déjà eu pour moi un avant/après Laurence anyways parce que déjà ça m’avait un peu ouvert des portes en France. J’y ai noué des relations importantes : une agente que j’aime beaucoup, Elisabeth Tanner, avec qui on a entamé une collaboration depuis Laurence [anyways]. Mais c’est vrai que pour Mommy il y eu un avant et un avant/après, même au Québec. C’est le film de Xavier Dolan qui a été le plus vu.  Il y a eu un engouement.   Laurence anyways et même J’ai tué ma mère avaient fait pas mal d’entrées  – mais c’est ça n’avait rien  voir !  Laurence anyways c’était passé complètement à côté du public parce qu’il y avait le Printemps Erable [une manifestation des étudiants contre les frais de scolarité NDLR] au Québec au moment de la sortie… alors que là Mommy… beaucoup de gens en plus ont soutenu Xavier [Dolan], le film et nous. A Cannes on recevait énormément d’amour du Québec, c’était fou. Et là, à la sortie, ça a « répondu » de façon impressionnante, j’ai rarement vu ça. Le premier week-end les gens… et la même chose ici en France. Même ici à Dinard  des gens qui m’ont dit hier : « On est allé voir Mommy … » Alors qu’il n’est sorti que depuis deux jours.

 

Si on avait été dans le jury à Cannes on vous aurait attribué le prix d’interprétation commun à vous, à Anne Dorval et Antoine-Olivier Pilon. Quels échos en aviez-vous ?

C’est gentil ! Ça « bougeait » un peu parce que les échos étaient plus pour Anne. J’avais l’impression vraiment qu’il y avait de fortes chances qu’elle l’obtienne. Donc moi non je sentais moins la pression. Des fois les gens parlaient de Prix Ex-æquo d’Interprétation mais c’était plus rare donc je me sentais plus « relax ».

On a perçu que Xavier Dolan était déçu de ne pas avoir eu la Palme d’or…

Je ne crois pas qu’il était déçu. Mais Xavier l’histoire de sa vie c’est ça. Les gens lui mettent des attentes. Il en a et c’est bien ! Ce n’est pas quelqu’un qui cache ses ambitions. Je trouve cela louable. Comme le disait très justement Anne Dorval, il est comme un athlète qui vise la médaille d’or. Après, quand tout le monde te dit: “Oui la palme, la palme”, forcément il y a une petite place en toi où tu penses que ça peut exister. Mais après la déception, moi je l’ai pas sentie. J’ai déjà vu Xavier déçu dans sa vie, et là je n’ai pas trouvé qu’il était déçu. Il était très heureux, vraiment.

Lors de la conférence de presse à Cannes avec Anne Dorval, vous disiez que Xavier Dolan fonctionnait beaucoup en famille, surtout sur le tournage. Cela vous fait-il drôle de vous retrouver à Dinard sans eux en pleine promotion du film ?

Toute seule, non. Je suis une grande fille ! On s’est croisé à Paris pour l’avant première. Pour les « entrevues » [interviews NDLR] on était séparés le plus souvent, et ils sont restés plus longtemps, je suis retourné travailler au Quebec. Je suis revenue pour Dinard. Donc il y a un tas de trucs que Xavier a fait plus avec Anne, ou même Anne toute seule. Quand j’ai vu toutes les couvertures de Xavier, que l’attachée de presse m’a montré, ça m’a impressionnée. Même dans l’avion, je m’en venais ici d’un coup je me retourne je vois le front [La Une] du Libération… Il a raflé toutes les unes !

En France on vous a surtout découvert avec Laurence anyways, est-ce que vous aspirez à avoir une double carrière, et être considérée comme une actrice française ?

Une double… Une triple oui, pourquoi pas ? Je ne m’en cache pas. J’ai été beaucoup en France d’ailleurs ces dernières années. J’ai fait un film qui va sortir en novembre ici. On va dire comme une « actrice française » parce dans le film je n’ai pas mon accent québécois, puisque le personnage est une française qui vit au Québec, donc elle peut avoir un petit truc québécois, et j’enchaîne avec un autre tournage ici en France.  Peut-être même deux.

C’est possible de savoir qui est le réalisateur ?

Oui, c’est Jean-Jacques Zilbermann, qui a fait L’homme est une femme comme les autres et Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes -très bons titres !

Vous faites partie d’un jury présidé par Catherine Deneuve. Quand on dit son nom qu’est-ce que ça vous évoque ?

Oh moi ça m’a impressionnée oui, forcément. J’avais envie de la rencontrer. Et ça se passe super bien.  On est un jury… J’allais dire paisible. Ça se passe super bien c’est franchement hyper agréable de vivre une expérience comme ça d’être dans un bain de cinéma. Je le recommande à tout le monde ! (rires) Et donc avec Catherine Deneuve c’est vrai que c’est impressionnant. Et ce qui est impressionnant aussi c’est de voir comment est sa vie à elle, comment elle est conditionnée par ce personnage qu’elle est aussi mais avec lequel elle semble vivre très bien. C’est quelqu’un qui est facile d’approche.

 Vous diriez qu’il y a deux personnes en Catherine Deneuve : l’image iconique et comment elle est réellement ?

Oh j’irais pas jusqu’à dire ça ! Je ne la connais pas assez. Ça fait deux jours que je l’ai rencontrée (rires) Non mais je vois à quel point elle est… Je savais qu’elle était importante ici. Mais le fait d’être dans une petite ville et de voir aussi l’approche des gens… Moi je ne suis pas ça donc ce n’est pas forcément souvent que je suis avec des gens qui ont cette aura. Catherine Deneuve est importante pour les gens en France j’imagine que pour elle ça doit être quelque chose à « vivre » tout le temps ouais.

Oui elle s’est arrangé pour éviter le cocktail d’ouverture et le tapis rouge… parce que je vraiment les gens lui fondent littéralement dessus…

Oui. Il faut quand même gérer tout ça.

Vous avez connu l’effervescence à Cannes, vous êtes actuellement sous les projecteurs pour la promotion de Mommy et maintenant vous débarquez dans, comme vous dites, « une petite ville »… 

Oui une belle petite ville ! Elle est belle. Eh c’est franchement beau!  Je me suis pas trop promenée mais c’est beau.

…avec un festival du film britannique…

Oui

Y’a un léger contraste non ? Vous avez hésité à dire oui ?

Non ! Je trouvais ça tellement original. Au début je me disais « C’est bizarre » mais en même temps le cinéma britannique m’intéresse depuis toujours. C’est un cinéma très riche, très intéressant, les acteurs et les actrices britanniques sont fascinants. La culture théâtrale aussi. Y’a pas de clivage là-bas entre les acteurs de théâtre et les acteurs de cinéma. Au contraire, l’acteur est un acteur et il fait de tout et le cinéma britannique est très intéressant, très réel, il y a tout un pan du cinéma britannique qui est hyper réaliste, hyper social, des personnages très vrais qui sont fascinants. J’ai dit oui tout de suite.

Si vous deviez nous citer trois films britanniques…

Là tout de suite j’ai pensé à Trainspotting, qui avait été magistral.  Il y a toute la période Richard Burton que j’ai beaucoup aimée. Qui a peur de Virginia Wolf, mais je crois en fait que c’est américain, c’est pas un bon exemple ! (rires) J’aime aussi Petits meurtres entre amis, ce petit bijou.

Il avait gagné à l’époque au Festival du film britannique…

Ah ouais ? … Il y a aussi beaucoup de séries télé, des grandes séries de la BBC, qui ont été projetées et doublées au Québec. C’est beaucoup de grands réalisateurs qui les faisaient. Plus tard, j’ai eu un copain  qui m’a fait connaître d’autres séries télé dont une dont je ne n’arrive pas à me souvenir du nom… C’est l’histoire d’un mec qui est aussi auteur de BD et qui entre à l’hôpital au début parce qu’ il a une crise d’eczéma des pieds à la tête, et il est dans un espèce de délire où les médecins deviennent les personnages de sa BD. et son père le visite… C’est génial ! Mais je ne me rappelle plus du titre ! C’était fou, c’était riche, c ‘était intéressant ! Et après il y a le film Elisabeth aussi, il est magnifique et l’interprétation de Cate Blanchett était géniale.

Vous allez vous baser sur quels critères pour les films que vous avez à juger ? Vous avez des critères précis ou ce sera vraiment au feeling ?

Moi c’est les deux. Je ne prend pas de notes parce que j’essaie de me faire confiance : ce dont j’ai à me souvenir je vais m’en souvenir… J’essaie d’être attentive… Est-ce que la musique me dérange ou elle me plait, y’en a-t-il trop ou pas assez ? Visuellement est ce que je suis séduite ? Est-ce que c’est beau, est-ce que c’est intéressant ? Est-ce qu’il y a un parti-pris ? Après les acteurs évidemment. Est-ce que je suis sensible aux acteurs ? Un peu de tout. Est-ce qu’il y a un rythme. C”est une actrice aussi qui disait : “Est-ce que ça un impact ?” Parce que c’est vrai qu’au final il y a des films que tu aimes mais si tu l’oublies deux secondes après ça veut dire que ça a pas eu trop d’impact. C’est quand même important. C’est l’over-all feeling que t’as devant un film aussi. Est-ce qu’il laisse une trace sur moi ? Ça ne peut qu’être personnel aussi, il faut que ça devienne personnel. C’est à dire qu’il ne faut pas laisser de côté le côté personnel, le fait que moi ça me touche. Et puis après comme on est plusieurs c’est génial parce qu’on voit si il y a un élan chez beaucoup beaucoup de gens donc il y a un film qui s’impose à ce moment. Ça c’est intéressant.

Et sans en dévoiler trop, il y déjà des films qui se détachent du lot ?

Il y a déjà des films dont à un moment on sentait qu’ils emportaient tout le jury. Parfois aussi, dans le jury,  quelqu’un est dissident. Mais s’il n’y a qu’une personne qui est dissidente, après… Mais c’est informel hein, on parle de façon informelle. Moi ce que je remarque dans le jury c’est que l’opinion se met à varier, ça se peut des fois, qu’en en reparlant, “ah ouais finalement ouais ouais ouais” ou alors “non en fait » … Cette personne demeure la seule dissidente… ou pas. Donc c’est assez intéressant  d’être de ce côté.

C’est la première fois que vous êtes jurée ?

Comme ça oui. Sinon, une fois, on m’avait envoyé des cassettes et je jugeais toute seule, j’étais là “numéro 1, numéro 2, numéro 3” mais j’avais pas de discussion donc c’est pas pareil. J’étais pas au cinéma, là c’est… Et en plus on est toujours avec le public, on entend les réactions de la salle donc ça c’est intéressant.

Une question qu’on pourrait vous demander de façon familière vous êtes plutôt Poutine, fish and chips ou homard à l’armoricaine ?

Comme quoi ?  A l’armoricaine c’est quoi ?

C’est une spécialité culinaire d’ici

C’est comment ? J’ai jamais goûté.

Du homard avec une sauce à la tomate un peu pimentée.

Eh ben moi je suis tout ça. Mais fish and chips peut-être un peu moins parce que c’est trop gras. Et je dois faire attention.

Et la poutine ?

Euh… C’est gras aussi mais qu’est-ce que je raconte! Mais moi en fait je peux tout manger mais il faut que je me retienne parce que quand on est acteur, actrice… Actrice surtout, soyons honnête, il faut toujours faire attention et c’est chiant, sinon je pourrais tout manger. Mais ceci dit, nous, la poutine elle est meilleure à 3 heures du matin quand on a bien consommé beaucoup d’alcool. Il y a un endroit où je suis retournée, y’a pas longtemps, Je suis sortie avec des amis pour l’anniversaire d’une copine et bon ça a dérapé, pas énormément mais quand même. Et là on se dit on va à cet endroit qui est bien connu ça s’appelle La banquise. Et ça faisait peut être 3 ans que j’y étais pas allé; et maintenant c’est ouvert 24 heures sur 24, et les touristes le savent aussi, et y’a un portier maintenant qui fait le trafic vers 4 heures du matin parce qu’il y a trop de gens, il faut que tu payes avant de manger, parce qu’il y a des gens qui repartent et qui oublient et ça s’est agrandi et le menu c’est trop drôle on a ri avec ça !

C’est à Montréal

C’est a Montréal donc si vous allez à Montréal et que vous avez pris un peu trop de vin…  (rires)

Le Québec c’est une culture à la fois proche de la culture française mais aussi proche de la culture américaine

et même de la culture britannique !

Le Canada le Québec ont une histoire avec la Bretagne. Jacques Cartier a découvert le Québec, il est originaire de St Malo , juste à coté de Dinard. Beaucoup de Québécois ont des racines bretonnes.

Ah ben oui ! Ma mère c’est Saint-Malo. Elle est venue en pèlerinage. C’était important pour elle :  elle savait que ses ancêtres venaient d’ici donc elle a eu cette démarche. Moi je l’ai jamais vraiment faite avec cette conscience… Ce serait bien là mais je n’ai pas trop le temps. Ceci dit ça se peut que je tourne bientôt tout près…

Pour quel projet ?

Je peux pas le dire encore parce que ce n’est pas encore signé. Là je vais vraiment demander à ma mère qu’elle me dise exactement… Je crois que c’est St Malo, elle m’avait dit l’Ile de Ré aussi, elle avait trouvé ça super beau aussi mais c’est plus bas.

Saint Malo c’est en face de l’hôtel, si vous nagez bien, pendant 3 km…

Trois kilomètres ? Ben c’est faisable !

 

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