Rachel a 40 ans, pas d’enfants. Elle aime sa vie : ses lycéens, ses amis, son ex, ses cours de guitare. Lorsqu’elle tombe amoureuse d’Ali, elle s’attache à Leila, sa fille de 4 ans. Elle la borde dans son lit, s’occupe d’elle, l’aime comme sa propre fille. Mais aimer les enfants des autres est risqué.
Les Enfants Des Autres de Rebecca Zlotowski s’attaque à un sujet relativement peu traité au cinéma, et pourtant universel. Le film s’ouvre sur quelques scènes d’exposition, utiles à la narration et à ce que le spectateur puisse commencer à connaître sa protagoniste principale, sous l’angle des apparences, de la vie sociale, avant qu’il ne soit invité à partager plus intérieurement son parcours sentimental, ses émotions, mais aussi et surtout ses affects et réactions. De fait, Les enfants des autres nous apparaît dans un premier temps très appliqué, à la narration très linéaire et appliquée: il tarde à trouver sa singularité artistique et de point de vue. Mais, une fois passée ce prélude, un mouvement se met en place, dont on se doute qu’il viendra à être contrarié, laissant la place à ce sujet sur lequel le titre du film ne laisse aucun doute. Virginie Efira, une fois de plus très intéressante dans sa composition, incarne une jeune femme active, visiblement qui a tout pour réussir, pour plaire, et qui, par conviction imagine-t-on, a tenu à garder son indépendance et à vivre en femme libre, épanouie.
Mais Zlotowski avance ici de manière très masquée sur ce sujet aux différentes lectures, cette situation que beaucoup de couples rencontres aujourd’hui, et a fortiori beaucoup de femmes. Elle parvient petit à petit, à force de délicatesse, et dans une volonté d’affirmation sensible , prégnante, à faire de son sujet, une matière cinématographique, précisément du point de vue de la narration elliptique par certains aspects, et par le regard qu’elle décide de porter sur la situation, et sur ses personnages. Les non-dits, ou les peu-dits, raisonnent, et offrent un espace de pensée bien plus large que si les éléments étaient montrés explicitement ou affirmés directement, de petits détails viennent nourrir ce récit pour nous le rendre plus véridique, plus parlant, et de fait, plus touchant. Comme le fait dire la réalisatrice française à Rachel, les femmes devraient « arrêter de s’excuser (entre elles) pour les hommes ». Voilà précisément et paradoxalement l’un des points forts du film: sur un sujet aussi naturellement féminin, Zlotowski parvient, en effet, en accusant sobrement, sans violence ni fracas, à embrasser également la perspective masculine. Le sujet psychologique intime, la nature potentiellement refoulée d’une femme , son besoin d’aimer et d’être aimé par l’homme qu’elle aime, mais aussi le lien qu’elle tisse petit à petit à petit avec sa belle fille, s’accompagne de répercussions sur le couple: Rebecca Zlotowski parvient à s’en saisir avec justesse et à le faire ressortir sincèrement (la réussite du film tient sûrement aussi au fait qu’elle parle d’un sujet qui la taraude). Autre bon point que nous décernons, sur le fond toujours (la forme ne ressort pas particulièrement, mais pour mieux se centrer sur le sujet), le récit se trouve aéré, ou complété, par une réflexion tierce, autour de la fonction de professeur, pour mieux affirmer, que la vie continue, que les satisfactions s’obtiennent là où elles peuvent s’obtenir, et qu’elles donnent du sens à l’action. Cette forme de positivisme, cette aptitude à se relever malgré les épreuves – traits communs à bon nombre d’héroïnes incarnées par Efira – donne de l’élan au film tout autant qu’il permet de véhiculer, de nouveau, une émotion positive, après avoir traversé une zone de plus grand trouble.