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FIDMARSEILLE 2019

Le FID, festival international de cinéma de Marseille, qui se déroule habituellement pendant la deuxième semaine de mois de Juillet, a fêté sa 30ème édition cette année.

Lorsqu’il fut créé, le FID se présentait comme un festival dédié au cinéma documentaire (comme l’indique la lettre D dans le titre), mais avec le temps cette définition a évolué, et depuis quelques années (lorsque la direction du festival fut confiée à Jean-Pierre Rehm) il propose un vaste choix de films, courts ou longs, comprenant autant de fictions que de documentaires, un équilibre entre cinéma expérimental – des projets purement visuels, des essais relevant d’un exercice « arts plastiques » ou « philosophique » – et cinéma social d’actualité.

Le FID se fait fort de proposer toujours de nouvelles expériences, des cinéastes français et étrangers qui cherchent une esthétique cinématographique pionnière.

La programmation riche et variée – environ 150 films sont proposés- , est organisée en différentes sélections compétitives et parallèles, une grande partie en première mondiale, et comprend également des rencontres professionnels et des masterclasses, à l’issue des rétrospectives et des hommages aux réalisateurs. Des séances spéciales – proposés par d’autres festivals ou associations – sont également dans le programme. La compétition internationale, la compétition française, la compétition GNCR, et la compétition premier film, donnent lieu chaque années aux plusieurs grand prix et mentions spéciales décernés aux jeunes talents lors de la Palmarès.

Le FID garde aussi toujours un lien important avec le festival de Cannes, en proposant quelques uns des films projetés sur la Croisette au mois de Mai, notamment pour la soirée d’ouverture et la soirée de clôture. Cette année, le film d’ouverture, The Unknown Saint, réalisé par le jeune cinéaste marocain Alaa Eddine Aljem, était séléctionné pour « La semaine de la critique » à Cannes, quand le film de clôture, Les amours d’une blonde de Milos Forman, a été diffusé en version restauré au Cannes classics.

Les lieux de projection

Le festival est ouvert au public et se tient dans les divers lieux culturels de Marseille : MUCEM (Le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), un bâtiment avec une aspect architectural impressionnant situé au bord de la mer et proche de Vieux Port, avec une grande salle de projection, Cinéma « les variétés » avec 7 salles art et essai en plein centre-ville – réouvert à l’issue du festival après un an de fermeture pour rénovation-, Le Vidéodrome et La Baleine – deux petites salles/bars dans le quartier très convivial de Cours Julien -, le centre culturel Alcazar, le théâtre Silvain (pour la soirée d’ouverture en plein air), etc.

L’édition 2019: Les hommages

L’un des temps forts de cette édition 2019 du FID était l’hommage rendu à Bertrand Bonello en sa présence – le grand prix d’honneur lui était décerné- , avec la projection de l’ensemble de ses long métrages (hormis Saint Laurent) et une séance de masterclasse/rencontre au MUCEM. Bonello, dont son dernier film « Zombie Child » était sur les écrans en France après avoir été sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes, a présenté ses films avant chaque séance et a discuté passionnément de sa carrière lors d’entretiens et de rencontres organisées ou non avec le public à Marseille, tout au long du festival.  

Un deuxième hommage était consacré à Sharon Lockhart, photographe, artiste et cinéaste américaine, avec 6 courts métrages (Exit, Theatro amazonas, Podworka, No, A woman under influence, Goshogaoka) et 2 longs métrages (Double tide, Pine flat) projetés à cette occasion. Elle était également membre de jury de la compétition internationale.

L »édition 2019: Retours sur quelques films qui nous ont marqués

Dans le cadre des écrans parallèles Des marches, démarches, une programmation était constituée autour de la série « Walker » (marcheur), un projet « vidéoart » réalisé en 10 parties par le grand cinéaste Taiwanais Tsai Ming-Liang entre 2011 et 2018, tous avec le même acteur (Lee Kang-sheng).

Diamond sutra, No no sleep, Sleepwalk, walker, walking on water, et Sand, étaient les films projetés en collaboration avec le centre Pompidou dans le cadre de la rétrospective Tsai Ming-liang prévu l’an prochain.

Le personnage principal des films est une figure de moine qui traverse différents espaces urbains ou naturels. Il circule, très lentement mais sans arrêt, dans un rythme qui représente le temps réel au cinéma, comme le seul élément mobile dans le paysage. Les films n’ont ni musique, ni dialogue ou commentaire. Quoi qu’il soit muet, le moine devient un « caractère » à travers les films, avec sa façon particulière et « réduite » de s’exprimer, son visage, ses geste, son corps. Dans certains des courts métrages, il passe tout simplement la chambre, descend des différents étages d’un bâtiment à Kuching (la ville natale de Tsai Ming Liang), ou marche dans la rue, au milieu des gens indifférents.

Dans Sand (80 minutes) le moine représente, à travers 16 plan/séquences, le dernier homme sur terre, comme s’il s’agissait de début (ou de la fin) du temps. Il marche sur une plage de sable, puis dans un forêt, puis de nouveau sur le sable. La couleur rouge vive de son habit crée un contraste important avec le vert, le bleu, ou le gris de son environnement.

Ces films de Tsai Ming Liang offrent une expérience visuelle extrêmement belle, et une méditation hypnotique sur la condition humaine selon la philosophie bouddhiste.

Chaos, deuxième volet de la trilogie de Sara Fattahi sur les femmes syriennes (après Coma en 2015), gagnant du prix de meilleur jeune talent au festival de Locarno 2018, était présenté en compétition GNCR au FID. Il dresse une image très touchante de trois femmes, vivants dans différents pays, mais toutes victimes de la guerre, et traumatisées.

Petit à petit, on s’approche d’une d’entre elles, immigrée en Suède. Elle nous parle, face à la caméra avec des regards pleins de vivacité, de ses moments de folie, de sa solitude. Elle (qui, dans la vraie vie, est la meilleur amie de la réalisatrice) chante, danse, crée ces tableaux de dessins et de collages, parle à voix haute. Elle dévoile ses pensées par rapport à sa famille en Syrie, et raconte l’expérience d’aller à l’hôpital psychiatrique après avoir fait plusieurs tentatives de Suicide en Suède. Ainsi Sara Fattahi partage avec nous, d’une manière très intime, les profonds sentiments et souffrances psychologiques de cette femme liés à l’expérience de déracinement.
C’est un documentaire poétique, sincère et féminin, qui, à certains moments, fait penser aux femmes Bergmaniennes. La réalisatrice rend hommage également, en utilisant certaines phrases de ces textes, à la grande écrivaine et poétesse autrichienne Ingeborg Bachman.

Présenté également au festival de Berlin, et gagnant du grand prix GNCR au FID, Delphine et Carole insoumuses (Calisto McNulty) est un travail de montage basé sur les archives de vidéos, interviews, programmes télé, et d’autres documents des années 1970. Le film évoque la lutte féministe de l’époque à travers l’histoire de l’amitié et de la collaboration entre Delphine Seyrig – qui a travaillé avec les plus grands cinéastes de son temps comme Alain Resnais, Chantal Akerman, ou Jacques Demy – et Carole Roussopoulos, vidéaste et militante. Elles ont mené ensemble plusieurs projets visuels et actions politiques(ou tous les deux en même temps) au sein du mouvement féministe en France.

Carole Roussopoulos, une des pionniers de travailler avec la vidéo en France, souhaitait faire un documentaire sur Delphine à la fin de sa vie, un projet inachevé qui a inspiré sa petite fille, Calisto McNulty. Elle dessine un portrait croisée de ces deux femmes indépendantes et courageuses, en créant un rythme dynamique avec des images vidéo, certaines visibles pour la première fois, par exemple quand elles ont voyagé à Hollywood et interrogés des célèbres actrices sur leur rapport avec leurs collègues masculins. Le film porte un regard admirateur vis-à-vis de Delphine et Carole (insoumuse est un jeu de mot avec insoumis et muse).

Rêves de jeunesse, comme le réalisateur, Alain Raoust, disait lors de la rencontre après la projection, est un film de changement de ton: passer d’un registre de geste et de langage à un autre. Cet enseignant de cinéma à l’Université Paris 8, signe un nouveau film après plus d’une décennie sans aucune réalisation; son dernier, l’été indien, était sortie en 2007. Rêves de jeunesse , qui était présent également à Cannes dans la section ACID et qui sortira en France fin Juillet, joue avec la différence de caractère entre deux adolescentes : une réserve et pensive, l’autre bruyante et énergique. C’est un récit minimaliste, qui cherche, d’un rythme lent et avec beaucoup de silence comme son personnage principal, avec beaucoup de scènes d’extérieur et des belles images ensoleillées, à approfondir les relations entre deux ou trois personnes qu’il a choisi pour mettre en avant. Ce minimalisme-là arrive finalement à montrer le sentiment vague de besoin de s’émanciper, de passer à l’âge adulte, de se trouver face à ses responsabilités, de confronter avec le deuil, la perte, l’amitié, l’amour.

Pierre Créton est un réalisateur habitué du FID. Il est auteur d’une vingtaine de films depuis le début des années 1990, tous présentés à Marseille. Son avant-dernier long métrage Va,Toto !, l’histoire d’amitié entre Toto le marcassin et une vieille dame dans un village, avec un texte poétique lu dans la bande son, a eu beaucoup de succès, et a trouvé également une public plus large car il a bénéficié d’une sortie nationale en 2017.

Le bel été, son nouveau film présenté à la compétition national au FID cette année, est un docu-fiction qui vise à montrer l’intégration de trois jeunes migrants africains dans un village au nord de la France. La question importante dans un tel film est d’équilibrer le rythme entre le regard documentaire – les détails quotidiens ; manger ensemble, ramasser des mûres sauvages et préparer la confiture, apprendre le français, etc – et poursuivre les lignes narratives – construire des relations entre les personnages nombreux du film, la situation administrative des migrants comme l’intrigue principale. Créton crée, avec ce film, une image originale sur la base de sujet des migrants, un sujet qui, légitimement, a sensibilisé également d’autres cinéastes cette année, comme par exemple Louise Narboni avec Chanson Triste, autre projet « hybride » entre le documentaire et la fiction ( dévoilant le processus de transformer une histoire vraie en fiction) sur un jeune afghan sans papier accueilli chez une femme française à Paris.

L’Equipe de « Chanson triste »(Louise Narboni) – gagnant de la prix Renaud Victor(décerné par un jury des prisonniers de Marseille).Ils ont également gagné le prix Georges de Beauregard de la compétition national.

Enfin, nous avons rencontré le réalisateur de Je suis sur Terre.

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