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Retour sur le FIDMarseille 2020

Les circonstances particulières de cette année qui ont eu pour conséquence l’annulation de nombreux festivals à travers le monde, n’ont pas pu arrêté le FIDMarseille. Même avant la fin du confinement, il a été confirmé que le FID se tiendrait dans de « vraies » salles de cinéma, avec le respect des protocoles sanitaires. Cependant, prendre le risque de voyager dans la peur de tomber malade et être obligé de garder le masque tout le long de la journée, ont découragé beaucoup de personnes de venir à Marseille.

Nous avons donc essayé, pour la première fois, l’étrange concept du « festival en ligne ». Un système qui a ses avantages et ses inconvénients mais semble gagner du terrain dans la situation actuelle et il faut s’y habituer (cette année quelques grands festivals comme Locarno se sont tenu en ligne ou semi-en ligne). Même si, nous l’admettons, assister à un festival à distance n’a rien à voir avec l’expérience de près. La faute à l’absence de rencontre professionnelle, de possibilités d’interview, à la difficulté de se concentrer à domicile pour regarder et chroniquer des films (sur de petits écrans), aux liens qui ne fonctionnent pas toujours correctement (ou pas du tout), et, enfin, au manque d’ambiance qui d’ordinaire nous permet de nous échapper du quotidien une semaine durant.

Un hommage à Michel Piccoli avec la projection de cinq films : Habemus papam de Nanni Moretti, Le charme discret de la bourgeoisie de Buñuel, Le Mépris de Godard, Mauvais sang de Leos Carax et Themroc de Claude Faraldo a marqué le début du festival.

La rétrospective consacrée à Angela Schanelec, qui devrait bientôt sortir l’intégralité de son œuvre dans un coffret DVD, a retenu notre intérêt parmi la programmation de cette année. Celle-ci prévoyait la projection de 9 de ses films, du début des années 1990 à nos jours, ainsi que la tenue d’une Masterclass en présence de la cinéaste allemande renommée. A noter que son dernier film J’étais à la maison, mais … était en sélection officielle à la Berlinale l’année dernière.

Outre les sélections habituelles telles que la Compétition internationale, la Compétition nationale, des séances spéciales, la Compétition CNAP et la Compétition du meilleur premier film, une nouvelle sélection a été ajoutée cette année : la Compétition Flash, dédiée aux courts métrages, dont le prix spécial est décerné à une réalisatrice à la mémoire d’Alice Guy-Blaché.

J’ai aimé vivre là de Régis Sauder en Compétition nationale, est un beau documentaire sur la nouvelle ville de Cergy-Pontoise en périphérie parisienne, sur les conditions de ses habitants et leurs sentiments par rapport à la vie dans cette région. Un bon exemple de film sociologique à la fois informatif et attirant. Les éléments poétiques (la voix d’Annie Ernaux, qui lit son livre sur la ville) ramènent le film au-delà des contraintes temporelles et parlent de sujets universels comme le sentiment nostalgique d’appartenance à un lieu, ou l’impact des projets de développement urbain à grande échelle sur l’histoire de chaque famille et sur les récits personnels. Grâce à des conversations sincères devant la caméra, nous apprenons à connaître différentes personnalités: anciens et nouveaux immigrants, réfugiés, adolescents qui souhaitent quitter Cergy afin de poursuivre leurs études à Paris et avoir et une vie meilleure… Régis Sauder, revient au FID 3 ans après son film à succès Retour à Forbach.

Les graines que l’on sème qui a remporté l’un des principaux prix de la compétition National (le prix George de Beauregard), est un reportage politique sur le mouvement social des jeunes et adolescents en France ces dernières années (au sujet de Parcoursup et pour d’autres raisons). Nathan Nicholovitch a réalisé le film sous la forme d’un atelier de cinéma dans un lycée en banlieue parisienne, il a en effet écrit et réalisé le scénario avec ses élèves.

Au cœur de cette expérience cinématographique réelle, les adolescents jouent leurs propres rôles : les jeunes arrêtés et emprisonnés pour avoir participé à une manifestation contre Macron. Le réalisateur a créé le personnage fictif d’une jeune fille tuée par la police lors des manifestations pour ainsi nous montrer la colère de ses camarades et leur frustration d’être opprimés. Le film sortira probablement bientôt et sera davantage vu en raison de son sujet sensible.

Comme il bianco (Comme le blanc) d’Alessandra Celessia est un court métrage poétique et très beau sur une poétesse et peintre italienne (de Naples), qui exprime le chagrin de la mort de son fils sous forme de peintures abstraites et de la poésie. Les images lumineuses et colorées du paysage naturel de la région de Naples (pics volcaniques) ainsi que les tableaux de l’artiste créent un ensemble spectaculaire.

C’est Paris aussi de Lech Kowalski, a gagné le prix du meilleur film de la compétition français. Ce moyen métrage s’intéresse, sous une forme documentaire, aux réfugiés et aux sans-abri à Paris. L’histoire est racontée du point de vue d’un indien d’Amérique qui vagabonde dans la ville sans emploi ni domicile fixe. Il rencontre dans la rue un réfugié afghan qui était boxeur et leur relation amicale nous permet de jeter un regard précis sur le quotidien de personnes sans abri. Mais pour un sujet déjà vu et revu, le film nous semble trop lent, assombri et sans charme particulier.

Le prix du meilleur premier film a été décerné à deux courts métrages chacun d’une durée de demi-heure environ: Les épisodes, printemps 2018 de la réalisatrice française Mathilde Girard (grand prix) et Heliconia de la réalisatrice colombienne Paula Rodriguez Polanco (mention spécial). Les deux films optent pour une forme expérimentale et féminine.

Le premier se déroule dans le milieu étudiant à Paris, invitant les spectateurs à des conversations d’étudiant.e.s en philosophie sur des questions politiques actuelles (manifestations étudiantes), des poèmes de Pasolini, la sexualité, le genre et leurs rêves personnels. Le second, en manipulant la qualité et la couleur de l’image, imite de vieux films super 8 pour raconter l’histoire du premier amour d’une adolescente.

Un autre film inoubliable que nous avons découvert faisait partie de cette sélection: Green thoughts de William Hong Xiao-Wei de Chine. Une œuvre poétique sur la relation amoureuse entre deux jeunes femmes, inspirée des poèmes d’Emily Dickinson, les films d’Alexandre Sokourov (images de formes irréalistes et de couleurs flous rappelant La mère et le fils de Sokourov) et 2046 de Wong kar-wai.

Night shot, le premier long métrage de Carolina Moscoso du Chili a remporté le Grand Prix de la compétition internationale. La jeune cinéaste, alors qu’elle était étudiante en cinéma, a été violée lors d’un festival de musique et a choisi cette douloureuse expérience comme sujet de son film. Elle transforme cette démarche cinématographique, 8 ans après l’événement, en une sorte de psychothérapie et expose ses blessures cachées. Une tentative de convoquer le passé documenté / vécu sous une forme audacieuse, avec des images filmées de nuit et sans aucune lumière rajoutée. Même si à la fin du film, le texte sur le fond noir annonce que le dossier de plainte est classé, des images de la vie quotidienne de Carolina dans le passé et le présent doublent l’impact visuel de ce souvenir perturbant.

Le festival touche à sa fin avec la projection spéciale de Marseille, un des films phares de l’invitée d’honneur Angela Schalenec en sa présence. Le film, inspiré des expériences personnelles de la réalisatrice, raconte l’histoire d’une photographe berlinoise pendant ses vacances à Marseille. Ce film nous semble un excellent choix pour la cérémonie de clôture en raison du portrait qu’il dessine de la ville hôte du festival.

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