My friend Dahmer (***) est un OFNI : a priori il ressemble aux films de Todd Solondz, présentant un rejeté de son lycée. L’oeuvre est en réalité plus complexe et explose le cadre, abordant plusieurs genre à la fois. Le film est adapté d’une bande-dessinée d’un des comparse de Jeff Dahmer, qu’il dessinait déjà à l’époque. Jeff Dahmer allait devenir un serial killer, comptant plus de 21 victimes. On le voit ramasser des cadavres d’animaux pour les dissoudre dans l’acide, éventrer frénétiquement un poisson devant ses amis pour voir « à quoi ressemblent ses intestins ». De même qu’il se demande si les organes d’un de ses collègues black sont noirs à l’intérieur. Heureusement, il n’y a pas que cet aspect creepy. On voit aussi une chronique lycéenne des années 70 picturalement très intéressante. Dahmer tisse des liens et intègre une bande en faisant l’attardé de manière ostentatoire, ils partagent beaucoup de choses, Jeff devient leur mascotte, et eux leur fan club, il ne cesse d’être croqué par Derf -qui ensuite fera la BD qui donnera le film, une fois qu’il apprit que son ami était devenu un serial killer. Il y a un côté Solondz dans le portrait non complaisant de ce freak rejeté, ainsi que la gaucherie de l’adolescence. Comme on l’a dit, l’intérêt du film réside dans la mixité des genres abordés tout en même temps, et dans le trouble qui naît lorsqu’on apprend que cette histoire a réellement existé.
Bien que vos humbles serviteurs aient été présents avant que le festival ne s’inaugure, ils ne purent, faute d’invitation, se rendre à l’hommage (mérité) fait à Laura Dern.
Par contre nous avons assisté aux premières loges à la conférence de presse où était Robert Pattinson, qui était là pour deux raisons : recevoir un bien précoce hommage (le festival de Deauville doit être le festival qui rend hommage aux plus jeunes personnes… mais tant mieux) et présenter Good Time, en présence des deux réalisateurs : les frères Safdie, qui était en compétition à Cannes.
Good Time tient un peu de Drive pour sa musique éléctro, son art de la violence et son esthétique saturée de couleurs. Un des premiers remerciements au générique de fin est attribué à Martin Scorcese lui même ,influence que ne renieraient pas ces deux metteurs en scène tant la réalisation survitaminée rappelle la touche de l’auteur de Mean Streets.
Excellente surprise didactique que le documentaire consacré à Clive Davis –Clive Davis, The Soundrack of our lives (***)- l’un des plus grands producteurs et découvreurs de talents des années 60, 70, 80, 90 et 2000, un homme aux oreilles d’or qui découvrît Janis Joplin, Patti Smith, Whitney Houston (qui était comme sa fille), Alicia Keys et Puff Daddy -pour ne citer que ceux-là. Ce documentaire de deux heures où l’on ne s’ennuie pas une seconde nous a encore plus émus que prévus car monsieur Clive Davis était assis juste derrière nous durant la projection. Une grande découverte d’un grand homme.
Ingrid goes West (****) raconte l’histoire d’une freak, une fille rejetée et un peu folle qui devient la meilleure amie d’une star inflenceuse d’Instagram (Elisabeth Olsen).our nous, il s’agit là de l’un des meilleurs films -sinon le meilleur – de ce festival de Deauville 2017. Olsen, au vu de ses origines mais aussi de son apparence et manière d’être était désignée pour jouer ce rôle mais c’est bien Aubrey Plaza qui rafle la mise : son jeu nous rappelle celui d’une Selma Blair dans Sex Intentions ou d’une Analeigh Tipton dans Crazy Stupid Love dans sa gaucherie post adolescence, sa capacité à être plusieurs, d’être la personne la plus rejetée au monde et pourtant de conquérir son idôle la plus cool de la plus facile des manière. Elle est à la fois belle et laide, folle dangereuse et attachante. Ce film épouse la dichotomie du phénomène des people Instagram versus la vraie vie, sans pour autant être une critique au vitriol : avant tout un constat. Un film fort, bien roulé, ludique et parlant qui nous a conquis -nous doutons cependant que les jurés seront conquis de même, l’excellent et jubilatoire God bless America par exemple, n’avait obtenu aucun prix et Ingrid goes West n’a pas le profil du film à prix.
We blew it (°)est par contre une très grosse déception. Bien filmé, de jolies images mais surtout un ennui abyssal qui se dégage dès les première minutes (le film dure 2h17), un ennui tel qu’ils nous a fait sortir de la salle les uns àprès les autres -alors que ce n’est pas notre genre. Le documentaire a été tourné par d’aucuns comme un grand théoricien du cinéma, Jean Baptiste Thoret, mais n’allez pas croire que le film parle de cinéma.
Mary (**) est le film coup de cœur du public. Pourtant, il a déçu notre rédaction. En effet l’histoire de cette petite fille surdouée des mathématiques est un peu trop tir- larmes à notre goût même si la jeune actrice est assez crédible dans le rôle, on a l’impression d’avoir déjà vu ce genre d’histoires au cinéma. Les bons sentiments prennent trop de place et mettent à mal la pertinence du propos.
Yellow birds (****) est un film fort et émouvant sur deux jeunes soldats pris dans la tourmente de la guerre en Irak et la disparition de l’un deux. Le film nous conduit sur les sentiers de cette guerre en nous montrant l’amitié qui se tisse entre ces deux soldats pendant les épreuves du conflit. Le retour au pays est également bien traité avec son lot de traumatismes et le secret qu’emporte avec lui l’un des héros. Action et émotion sont au rendez vous.
Beach Rats (***) est une belle surprise de ce festival sur la découverte d’un adolescent de Brooklyn de son homosexualité et son déchirement entre sa liaison naissante avec sa petite copine et son goût pour les hommes plus vieux. Les personnages sont très réalistes et le récit est subtilement mené.
Autre temps fort du festival : Cary Grant, de l’autre côté du miroir (****), qui nous aura permis de découvrir les origines anglaises de l’acteur, qui s’appelait Archie Leach, son enfance difficile (sa mère est internée et son père l’abandonne à l’âge de 11 ans), sa relation difficile aux femmes, son étonnante thérapie… au LSD.
Lors de l’hommage qui lui est consacré, Jeff Goldblum aura fait le show et le chaud en entonnant une marseillaise avant de nous chanter du Brassens : « quand je pense à Fernande, je… » Il nous aura annoncé qu’il s’agissait du plus beau jour de sa vie, nous aura raconté sa vie de jeune papa de 63 ans, tous les liens qui le relient à la France, des cours qu’il suivait en imitant le mime Marceau aux relations qu’à sa bien plus jeune femme à la France.
Antonio Banderas aura lui aussi bien joué le jeu : après une conférence de presse dédiée au film qu’il venait présenter, The music of silence, il prend tous les selfies que le public lui demande lors de l’inauguration de sa cabine -et Dieu sait que les gens étaient nombreux.
Michelle Rodriguez, par contre, ne vient pas pour la conférence de presse qui lui était entièrement dédiée. Le festival entendait rendre hommage à sa carrière et le bruit court qu’elle ne sera pas là, ou alors le lendemain, empiétant sur l’hommage du vendredi 8 consacré à Darren Aronofsky. Vent de panique. Indignation. Elle sera finalement là le soir pour recevoir son trophée, mais -est-ce du au lapin qu’elle a posé en début de journée- Vincent Lindon, présentant l’hommage, sera plus applaudi qu’elle par le public. Pour anecdote, Michelle Rodriguez avait remis à l’acteur français son prix d’interprétation cannois pour La loi du marché.
Les films se suivent et ne se ressemblent pas.
On apprend que Kidnap (°), présenté le soir de l’hommage à Jeff Goldblum, est un film sortant directement en DVD et en effet on a le droit à un Taken en pire : beaucoup d’effet spéciaux grand guignols, une fin qui n’explique rien. Hall Berry a beau faire du mieux qu’elle peut, l’aspect nanar du film engloutit tout : chaque plan contient un effet special, toute l’action se passe en poursuite en voiture aux cascades invraisemblables… à éviter.
Adorables Ennemies (*) permet une confrontation entre la toujours sémillante Shirley MacLaine et Amanda Seyfried. MacLaine interprète un personnage que l’on adore déteste et qui s’averre beaucoup plus gentil et attachant que l’on ne pensait. Ajoutez au tandem MacLaine Seyfried une adorable petite fille noire qui profère des jurons insensés et l’on obtient un film pas mal, agréable à regarder.
The Wilde wedding (*), sur une sexagénaire actrice qui se marie pour la quatrième fois (Glenn Close) est un film chorale qui plait au public de Deauville (et pour cause, sociologiquement, nombre d’entre eux peuvent s’identifier). Nous n’avons pas été conquis et avons vu bien mieux dans le genre à Deauville justement. Étrange que de voir le tandem Merteuil/Valmont (ici Close face à John Malkovitch) en personnes du troisième âge produire si peu d’étincelles !
Gook (****) est un très bon film de cette compétition. Tourné dans un superbe noir et blanc il dépeint une frange de la communauté coréenne aux Etats Unis. Gook est en effet le nom que donnait les américains aux coréens pendant la guerre du Vietnam. Terme assez péjoratif, il stigmatise une partie de la population coréenne entre autre livrée à elle même pour survivre. Grand et salutaire film sur l’amitié entre les peuples également.
D’aucuns s’attendaient, avec Katie says goodbye (***), à un portrait de femme indé sympathique et rafraîchissant… Il n’en est rien. Si le film est de très bonne facture, on nage dans le glauque avec l’histoire d’une jeune femme qui se prostitue en toute innocence et devra faire face à la trahison et l’abandon maternel, ainsi qu’à la pire des violences masculine.
Blue Print (**) signifie modèle. A la suite de la mort d’un de ses amis lors d’une fusillade, un jeune afro américain de Chicago se confronte à une remise en question de son identité. Un film sur l’identité, les valeurs de l’être humain et la défense de celles ci. Intime mais un peu trop superficiel dans son traitement.