Journal de Tûoa a été tourné sous régime de confinement, au Portugal, entre août et septembre 2020. C’est aussi un film de fiction. Impossible de le résumer sans en dire trop. Nous avons donc choisi de reproduire un paragraphe d’un conte de Cesare Pavese, Le Diable sur les collines : « L’orchestre reprit mais cette fois sans voix. Les autres instruments se turent et il ne resta que le piano qui exécuta quelques minutes de variations acrobatiques sensationnelles. Même si on ne le voulait pas, on écoutait. Puis l’orchestre couvrit le piano et l’engloutit. Pendant ce numéro, les lampes et les réflecteurs, qui éclairaient les arbres, changèrent magiquement de couleur, et nous fûmes tour à tour verts, rouges, jaunes. »
Sans budget, sans histoire, sans personnage, sans scénario, Journal de Tûoa s’est écrit spontanément et naturellement de jour en jour durant un confinement. Entre documentaire et (un peu) fiction, il remonte le temps, relate 22 jours enfermés dans une petite maison à Sintra près de Lisbonne.
En effet, l’enjeu ne se situe pas au niveau de la dramaturgie. Nous ressentons pleinement la lenteur des jours qui passent, cherchant désespérément l’infime chose qui peut occuper et être intéressant. Pas de rebondissement, pas d’émotion, nous sommes purement portés par l’éclat, la fraicheur, la captation merveilleuse d’humains et de non humains.
Les réalisateurs Maureen Fazendeiro et Miguel Gomes réalisent un film sur la simplicité et le pur bonheur de filmer, de fabriquer des plans, de s’évader par l’improvisation. Les silences pesants, les plans naturels sur un coing moisi au rebord d’un muret, les nuits sous les lumières artificielles multi-couleurs et les jours sous la lumière naturelle font naître une poésie attractive. Captée par une caméra 16mm, l’esthétique du film est magnifique et permet de tenir le spectateur loin de l’ennui.
Journal de Tûoa propose une expérience d’un film à l’intérieur d’un récit intime. Construit sur le seul temps qui passe, le septième art s’invite, captant comme rarement la beauté dans la banalité du monde.