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Communiqué de l’ACID – Hommage

Nous, cinéastes et membres de l’équipe de l’ACID, avons rencontré Fatem Hassona en découvrant le film de Sepideh Farsi Put your soul on your hand and walk, lors de la programmation cannoise. Son sourire était aussi magique que sa ténacité : témoigner, photographier Gaza, distribuer des vivres malgré les bombes, le deuil et la faim. Son récit nous est parvenu, nous nous sommes réjouis à chacune de ses apparitions de la savoir vivante, nous avons craint pour elle. Hier, nous avons appris avec effroi qu’un missile israélien a ciblé son immeuble, et a tué Fatem et les membres de sa famille. 

 Nous avions visionné et programmé un film où la force de vie de cette jeune femme tenait de l’ordre du miracle. Ce n’est plus le même film que nous allons porter, soutenir et présenter dans toutes les salles, en commençant par Cannes. Nous tous et toutes, cinéastes et spectateurs.rices, devons être dignes de sa lumière. 

Nous partageons, ici, des extraits des mots de Sepideh Farsi à propos de Fatem, publié ce jour sur Libération.


Les yeux de Gaza 

Peut-être que j’annonce ma mort maintenant

 Avant que la personne en face de moi ne charge

Son fusil de tireur d’élite 

Et termine son travail. 

Pour que je finisse. 

Silence. 

Ce sont les mots de Fatma Hassona (Fatem pour les intimes), dans un long poème qui s’intitule « L’homme qui portait ses yeux ». Un poème qui sent le souffre, sent déjà la mort, mais qui est plein de vie aussi, comme l’était Fatem, jusqu’à ce matin, avant qu’une bombe israélienne ne la fauche, elle et toute sa famille, réduisant la maison familiale en poussière. Elle venait juste d’avoir 25 ans. Je l’avais connu par le biais d’un ami palestinien, au Caire, alors que je cherchais désespérément le moyen de me rendre à Gaza, me heurtant à des routes bloquées, pour chercher réponse à une question à la fois simple et complexe. Comment survit-on à Gaza, sous siège depuis tant d’années ? Quel est le quotidien des palestiniens sous la guerre ? Que veut effacer Israel dans ces quelques kilomètres carrés, à coup de bombes et de mortiers ? Moi, qui venais de finir un film, la Sirène, sur une autre guerre, celle entre l’Irak et l’Iran.

 […]

 Alors, Fatem devint mes yeux à Gaza, et moi, une fenêtre ouverte sur le monde. J’ai filmé, saisissant les instants que nous offraient nos appels vidéos, ce que Fatem m’offrait, pleine de fougue, d’énergie. J’ai filmé ses rires et ses larmes, son espoir et sa dépression. J’ai suivi mon instinct. Sans savoir à l’avance où nous mèneraient ces images. C’est la beauté du cinéma. La beauté de la vie.

[…]

Hier, en apprenant la nouvelle, j’ai d’abord refusé d’y croire, pensant à une erreur, comme il y a quelques mois, lorsqu’une famille homonyme avait péri dans une attaque israélienne. Incrédule, je l’ai appelée, puis envoyé un message, un autre, et encore un autre. […] Toutes ces existences lumineuses ont été anéanties par un doigt qui a appuyé sur un bouton, et a lâché une bombe, pour effacer une maison de plus. Il n’y a plus de doute à avoir, ce qui court aujourd’hui à Gaza n’est plus, et depuis longtemps, une réponse aux crimes commis par le Hamas le 7 octobre, c’est un génocide. J’accuse ceux qui le commettent ainsi que leurs complices et je demande justice pour Fatem et tous les palestiniens innocents qui ont péri.

Voir le texte complet sur Liberation.fr 

« Es-tu un poisson ? »

Je n’ai pas répondu quand la mer m’a demandé 

Je ne savais pas d’où venaient ces corbeaux 

qui ont bondi sur ma chaire

Cela aurait-il été logique 

Si je disais : Oui ? 

Laisse ces corbeaux bondir 

A la fin

Sur un poisson ! 

Elle a traversé 

Et je n’ai pas traversé

La mort m’a traversé

Et la balle, pointue, du tireur d’élite 

Je suis devenu un ange

Pour une ville. 

Énorme

Plus grand que mes rêves

Plus grand que cette ville

Fatem Hassona

Gaza

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