La sélection cannoise : pronostics !
Qui foulera le tapis rouge de la 70e édition du festival qui se tient du 17 au 28 mai ? Quels seront les chefs-d’œuvre qui éblouiront les festivaliers ? À deux semaines de l’annonce des films retenus en sélection, pronostics.
Le festival a rendu publique mercredi l’affiche de cette 70e édition, qui montre Claudia Cardinale virevoltant sur un toit de Rome en 1959. Ce qui a donné lieu à une polémique dénonçant des retouches numériques excessives pour amincir la bombe italienne. L’intéressée a répondu, indiquant « ne pas avoir de commentaires à faire sur le travail artistique effectué sur cette image ». [NDLR : vous noterez que nous avons choisi d’illustrer cette article avec la photo originelle de C.C, celle où toutes ses courbes et expressions sont intactes]
Productions françaises
Loin de cette première agitation, la sélection, dévoilée le jeudi 13 avril, est en pleine préparation, avec un choix qui devrait se révéler particulièrement difficile pour les films français, nombreux cette année.
Parmi les prétendants, Arnaud Desplechin, habitué de la Croisette, pourrait revenir avec Les Fantômes d’Ismaël, l’histoire d’un cinéaste perturbé par le retour d’un ancien amour, avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg.
Michael Haneke est certes autrichien mais Happy End est, pour une bonne partie, un film français. Son sujet ancré dans l’actualité (la crise des migrants autour de la « jungle » de Calais), sa distribution (Isabelle Huppert bien sûr, Jean-Louis Trintignant, Matthieu Kassovitz) en font un postulant très sérieux pour la Compétition.
Si Claire Denis parvient à terminer le montage à temps (le tournage durait encore en février) de Les Lunettes noires, il est fort probable qu’elle soit sélectionnée. Son projet est très ambitieux, puisqu’il s’agit de l’adaptation en fiction des mythiques Fragments d’un discours amoureux, de Roland Barthes, avec Juliette Binoche et Gérard Depardieu (confrontation pour le moins étonnante quand on sait les propos dépréciatifs qu’a tenu Depardieu au sujet de Binoche).
Autre sélectionné possible, Roman Polanski pour D’après une histoire vraie avec Emmanuelle Seigner et Eva Green, adaptation du livre éponyme de Delphine de Vigan.
Abdellatif Kechiche, Palme d’or en 2013 pour La Vie d’Adèle, pourrait également être là avec Mektoub is Mektoub, une adaptation du roman La blessure, la vraie de François Bégaudeau, lui-même Palme d’or 2008 avec Laurent Cantet pour Entre les murs.
Malgré le flop il y a 3 ans de The Search, Michel Hazanavicius serait également en bonne place pour intégrer la sélection avec Le Redoutable, film sur Jean-Luc Godard, tiré d’un roman de son ex-femme Anne Wiazemsky, et dont la bande-annonce vient d’être dévoilée par son réalisateur.
Mais d’autres (très alléchants) films hexagonaux pourraient encore prétendre à la compétition, tels que:
- Rodin de Jacques Doillon avec Vincent Lindon (alors que l’on célèbre le centenaire de la mort du géant de la sculpture)
- Kings, le deuxième film de Deniz Gamze Ergüven (révélée à la Quinzaine des réalisateurs avec Mustang en 2015), une reconstitution des émeutes de Los Angeles lors de l’affaire Rodney King, avec Halle Berry et Daniel Craig.
- Nos années folles d’André Téchiné avec Pierre Deladonchamps et Céline Sallette,
- La Douleur d‘Emmanuel Finkiel
- 120 battements par minute de Robin Campillo.
- Albert Dupontel et son adaptation Au revoir là-haut, le roman Prix Goncourt de Pierre Lemaître, sur un trafic de monuments aux morts mis au point par deux anciens « poilus ».
- Xavier Beauvois a réuni Nathalie Baye et Laura Smet dans Les Gardiennes, une chronique rurale de la vie des femmes loin du front.
- Maryline, prochain film de Guillaume Gallienne avec Vanessa Paradis et Éric Ruf, le patron de la Comédie-Française? Un film sur l’histoire d’une femme, actrice ratée, qui ne deviendra jamais Monroe mais dont la vie est semble-t-il une véritable épopée Sujet troublant quand on sait à quel point Vanessa Paradis est une fan hardcore de Norma Jean Baker.
- Madame Hyde, de Serge Bozon, une relecture contemporaine et sans doute bien déjantée de Docteur Jekyll et Mister Hyde, avec Isabelle Huppert, encore elle, dans le rôle-titre.
Dans les outsiders, on pourrait retrouver :
- Barbara, le faux biopic de la chanteuse réalisé par Mathieu Amalric. L’histoire d’un metteur en scène qui veut tourner… un biopic sur l’interprète deL’Aigle noir. Avec, dans le rôle du cinéaste, Amalric lui-même, et dans celui de l’actrice chargée d’incarner Barbara, Jeanne Balibar.
- Marvin d’Anne Fontaine, l’adapation du premier livre autobiographique d’Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, où l’on retrouve Isabelle Huppert.
- Amant double, de François Ozon. Dans ce thriller érotique, une jeune femme dépressive tombe amoureuse de son psy. La production a dévoilé mi-mars une première photo très aguichante du film avec Marine Vacth et Jérémie Rénier assis face à face, nus.
- Fleuve noir, le retour d’Erick Zonca neuf ans après Julia, avec un polar noir de noir où un policier enquête sur la disparition d’un adolescent. Le film bénéficie d’un gros casting : Vincent Cassel, Romain Duris et Sandrine Kiberlain.
- Jeannette, le nouveau Bruno Dumont, soit l’enfance de Jeanne d’Arc d’après Péguy revue et corrigée… en comédie musicale ! La présence l’an passé en compétition de Ma Loute semble toutefois « condamner » le film à une Séance spéciale.
Etats-Unis
Du côté des Américains, le nom de Sofia Coppola est sur toutes les lèvres pour Les Proies avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Elle Fanning et Kirsten Dunst, remake du film de Don Siegel de 1971 avec Clint Eastwood dont voici la bande-annonce :
https://www.youtube.com/watch?v=L8REszt3IVk
Todd Haynes pourrait aussi être de la partie pour son Wonderstruck avec Julianne Moore et Michelle Williams, sur l’histoire de deux enfants sourds à des époques différentes. Tout comme Alexander Payne pour Downsizing, comédie de science-fiction avec Matt Damon.
Autre film avec Matt Damon, Suburbicon de George Clooney, dont le scénario est signé par les frères Coen, pourrait aussi être présenté sur la Croisette.
John Cameron Mitchell (Rabbit Hole) a réuni Nicole Kidman et Elle Fanning (comme Sofia Coppola) dans How to Talk to Girls at Parties, une comédie de science-fiction où une extraterrestre découvre les « joies » de la banlieue de Londres. Et David Robert Mitchell (It Follows) s’essaie au film noir dans Under the Silver Lake, tourné à Los Angeles avec Andrew Garfield.
On espère, sans trop y croire, la présence de Paul Thomas Anderson avec The Phantom Thread (titre provisoire), avec Daniel Day-Lewis dans le rôle d’un couturier londonien des années 50, et de Kathryn Bigelow dont le Detroit Riot Project (là encore, titre provisoire) reconstitue les émeutes urbaines de 1967 à Détroit. Pas sûr, toutefois, que ces deux films très attendus soient prêts à temps.
Mother !, le nouveau film au pitch énigmatique de Darren Aronofsky avec, là aussi, un casting trois étoiles qui matcherait bien sur le tapis rouge (Jennifer Lawrence, Michelle Pfeiffer, Javier Bardem). Mais leurs producteurs respectifs préféreront peut-être attendre le Festival de Venise.
Enfin, on peut s’attendre à ce que le Festival présente en Séance spéciale (et avant-première mondiale), au moins un des épisodes de la nouvelle saison de Twin Peaks, qui marque le retour de David Lynch derrière la caméra après dix ans d’abstinence – la série sera diffusée aux États-Unis à partir du 21 mai, quatre jours après le début du Festival…
Le reste du monde
Pourraient également être dans la course le Grec Yorgos Lanthimos pour The Killing of a sacred deer avec Colin Farrell et Nicole Kidman (déjà héroïne de La Proie), le Hongrois Laszlo Nemes pour Sunset ou encore le Germano-Turc Fatih Akin pour In the Fade avec Diane Kruger.
Dans Submergence, Wim Wenders (Palme d’or en 1984 pour Paris, Texas) chronique l’histoire d’amour entre un ingénieur pris en otage en Somalie (James McAvoy) et une océanographe (Alicia Vikander).
Du côté des Britanniques, Stephen Frears pourrait être de la partie avec Victoria and Abdul, un film en costumes sur l’amitié entre la reine Victoria et son professeur Indien. A moins que le comité de sélection ne préfère ses plus jeunes consœurs Clio Barnard (la réalisatrice du Géant égoïste) avec Dark River, et/ou Lynne Ramsay qui a tourné le thriller You Were Never Really Here avec Joaquin Phoenix.
La Hongrie pourrait être doublement représentée avec László Nemes (Grand Prix pour Le Fils de Saul en 2015) qui a terminé son deuxième film Sunset, mais aussi par l’esthète Kornel Mundruczo, qui s’intéresse à la question des réfugiés dans Superfluous Man. Trois candidats sérieux, aussi, pour la Suède, avec, à chaque fois, de beaux castings : Lisa Langseth oppose les belles Alicia Vikander et Eva Green dans Euphoria, Ruben Östlund (qui avait fait forte impression à Un certain regard avec Snow Therapy) a réuni les stars de séries télé Dominic West et Elisabeth Moss dans The Square, et Tomas Alfredson (Morse) transforme Michael Fassbender en détective dans The Snowman, d’après un polar du Norvégien Jo Nesbø.
Plus à l’Est, on retrouve trois candidats sérieux dans le registre du cinéma d’auteur costaud. Après avoir secoué la Croisette en 2014 avec son premier film en langue des signes (The Tribe), l’Ukrainien Myroslav Slaboshpytskiy a tourné Luxembourg dans la zone d’exclusion de la centrale de Tchernobyl. Son compatriote Sergeï Loznitsa livre, lui, près d’un demi-siècle après Robert Bresson, une nouvelle adaptation d’Une femme douce, de Dostoïevski. On peut également s’attendre au retour en compétition du Russe Andreï Zyaguintsev (Léviathan) avec Loveless.
En Asie, deux Sud-Coréens sont attendus, Hong Sang-soo avec La Caméra de Claire, avec à nouveau Isabelle Huppert, et Bong Joon-Ho avec Okja avec Tilda Swinton et Jake Gyllenhaal, film d’aventure fantastique réalisé pour Netflix.
Pour l’Amérique latine, le Mexicain Carlos Reygadas pourrait présenter Donde Nace la Vida.
Du côté de l’Afrique, le Tchadien Mahamat Saleh Haroun aurait de bonnes chances d’être en sélection avec Une saison en France avec Sandrine Bonnaire, sur l’histoire d’un réfugié africain qui se voit refuser l’asile en France.
Film d’ouverture
Valerian et la Cité des mille planètes aurait fait un parfait film d’ouverture mais la postproduction n’est pas terminée et, surtout,Luc Besson a révélé la semaine dernière qu’il n’avait jamais envisagé d’être à Cannes (la sortie en salles fixée au 26 juillet étant, selon lui, « bien trop espacée »).
Deux autres postulants se détachent, donc, pour ouvrir le 70e festival en hors compétition : Dunkerque, le film de guerre (à la bande-annonce impressionnante) tourné in situ par Christopher NolanouBlade Runner 2049, la suite du film de SF culte de Ridley Scott réalisée par Denis Villeneuve avecRyan Gosling et Harrison Ford.