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Quand Gérard Depardieu écrivait une lettre à Isabelle Adjani …
Ma chère Isabelle,
J’ai rasé ma barbe ce matin. Maintenant, il faut que je maigrisse. Tu vois, Rodin s’éloigne… Au sens propre, je me désincarne. Je me sens vide, vidé. Dans cet état de désœuvrement, d’entre-deux rôles, je risque tout. Je m’accroche à l’idée de perdre du poids, d’être prêt pour le prochain film. Rodin s’est défendu pied à pied, pendant plusieurs jours, avant de vaciller sur son socle. Je vacille…
Comme ces chevaliers du Moyen Âge roulant sous la table le soir d’un tournoi, j’ai besoin d’une ripaille flamboyante, d’une cuite salvatrice. Il me faut cette violence, cette déflagration. Je m’éclate, je m’émiette. Oui, c’est le mot, je m’émiette.
Toi, Isabelle, tu es une guerrière, toujours en éveil, prête à recevoir l’ennemi. Tu as régné sur le tournage de Camille Claudel. Tu portais depuis longtemps ce film en toi. Je tournais encore Sous le soleil de Satan quand tu es venue m’en parler pour la première fois. Tu es entrée sans prévenir dans cette petite auberge d’un autre temps. Il émanait de toi quelque chose de surnaturel, d’impalpable, une sorte d’énergie spirituelle. On devinait en toi une énergie farouche, indomptable, presque anthropophage ! Tu étais venue derrière tes grandes lunettes noires me proposer d’être Rodin. À ce moment, le compteur de la ville de Montreuil a explosé ! Nous avons continué notre conversation à la bougie. C’était une rencontre magique. Notre deuxième rencontre.
J’ai envie d’avoir ta force, Isabelle, de te ressembler, si forte malgré tes attaches fines. Tu es une femme préhistorique, riche de ses grands instincts quand l’homme amputé, coupé de son animalité est un bipède moribond, malade de l’humanité. Si Rodin a pu vivre, sculpter, c’est en s’alimentant des forces vives de Camille, ne lui laissant en partage de leur passion que la folie, un amour épuisé.
Tu vois, Isabelle, j’ai rasé ma barbe ce matin, et j’ai du mal à m’en remettre.