La première fois que j’ai entendu parler de Jennifer Lopez, c’était dans Première, vers 1998. Un journaliste l’avait rencontré au festival de Venise. Elle faisait parler d’elle -pour la 1ere fois en France- à cause de U-Turn, d’Oliver Stone. Le journaliste était frappé par un certain contraste lors de la rencontre. En effet, celle qui ne se faisait pas encore appeler J.Lo était extrêmement prolixe et nature en interview et confiait sa vie privée -dont tout le monde se fichait totalement à l’époque. Par contre, elle contrôlait chaque photo prise d’elle spécialement pour Première, pour ne finir que par sélectionner LA photo qui lui convenait.
Venons en au fait : à l’époque, Jennifer Lopez était un grand espoir pour le cinéma indépendant américain. Certes, on l’avait déjà vue (pas moi mais « on ») dans Blood and wine, Jack, Money Train, Anaconda, mais U-Turn, c’était vraiment quelque chose : un film barré, avec un montage analogue à l’esprit torturé du héros (interprété par Sean Penn). Jennifer, elle, interprétait une indienne d’Amérique aussi chaude qu’ambiguë, une femme fatale de no man’s land, une victime aussi.
Puis, peut après, on la vit former le plus beau couple de cinéma depuis Vivian Leigh-Clack Gable dans le chef-d’oeuvre Hors d’atteinte de Soderberg.
L’interprétation de cette femme flic déterminée, freak-control en même temps que folle amoureuse d’un gentleman cambrioleur avait de quoi impressionner. Qui plus est, le film était donc parfait : structure étourdissante, film inclassable (drôle, thriller, rom-com en même temps) avec un ton désinvolte et des personnages bien construits. Un bon petit polar sur l’amour impossible à la Roméo et Juliette. Autre fait révolutionnaire : le rôle n’était pas écrit pour une fille latine mais bien pour une wasp. Sharon Stone avait été pressentie. Madame Lopez s’est imposée en passant des essais, avec disait-elle, la détermination d’une femme flic. Grand bien lui en avait fait. Hélas, good things never lasts.
J’ai encore cru à Jennifer Lopez, surtout que peut après elle vint révolutionner l’industrie musicale : cette fille qu’on ne voyait que figurante dans des clips de Janet Jackson venait voler la couronne de la dite Janet, de Maria Carey, Madonna and so on avec le très bon On the 6.
Elle était au top : bons films, artiste protéiforme, plusieurs femme en une comme à l’époque de l’âge d’or du cinéma. Comme Marilyn, comme Rita Hayworth, elle jouait, chantait, dansait bien. Une grande carrière à venir ?
https://www.youtube.com/watch?v=IFLQb1O9EZ4
Las !
Jennifer Lopez n’avait joué dans des deux très bons films que dans une logique de grimper les échelons. Une fois en haut, elle nous livra le mauvais The Cell, le mainstream Un mariage trop parfait et ainsi de suite, slalomant entre très mauvais (Plus jamais) et correct sans plus (Coup de fourdre à Mannathan, Angel Eyes) jusqu’à ses panouilles avec Ben Affleck.
Côté musique, son deuxième album tenait -encore- la route, puis vint son troisième, en 2002, qui la vit consacrée super star absolue, avec un titre phare au sample complètement repompé pour ceux qui aiment le hip-hop mais qui plut aux masses –Jenny from the block.
Depuis, rien de mieux. Elle a réussi à battre le record de visionnages sur le net avec On the floor -un morceau eurodance qui repompe La lambada. Elle a joué dans une comédie un peu trash et surtout nulle (Le plan B).
Dommage, vraiment. Mais le but de Lopez était plus de faire d’elle un business international (lignes de fringues, de parfum, de restos) qu’une artiste authentique et respectée.
Eva Mendes, à qui on la compare ou l’oppose souvent, est son parfait négatif. Eva Mendes est cinéphile (elle aime La Piscine de Jacques Deray et Gaspar Noé), a pour aspiration de jouer dans les films les plus artistiquement ambitieux qui soient (La nuit nous appartient, Bad lieutenant -retour à la nouvelle Orélans). Eva Mendes s’habille bien, est intelligente, drôle, avec une personnalité tant romanesque que désespérée. Eva Mendes chante à l’Adjani « Les moulins de mon cœur » en très prestigieuse égérie du parfum Angel. Eva Mendes, quand elle sort avec quelqu’un de connu, a le bon goût de choisir Ryan Gosling. Paradoxalement, Mendes reste hélas, dans les yeux des réalisateurs qui l’emploient, la fille latine hot -même chez Herzog, même chez James Gray. Et force est de constater qu’elle reste hélas piégée dans cette image, bien malgré elle. Pas de U-Turn ou d’Hors d’atteinte à l’horizon.