Le documentaire « Béatrice Dalle : à prendre ou à laisser » d’Elise Baudoin, est, suite à une diffusion télévisuelle, actuellement disponible gratuitement sur le site de France Télévisions jusqu’au 11/05/2024.
Que l’on aime ou non l’actrice, il est indispensable à voir pour tout cinéphile. Une œuvre cinéphilique en elle-même, un documentaire particulièrement soigné. N’oublions pas que le documentaire est un genre à part entière du cinéma.
Il s’agit du premier véritable documentaire sur Béatrice Dalle (c’est peu de dire que ce n’est pas trop tôt) et l’actrice y participe activement, tantôt en narrant, tantôt en commentant en « talk-over » des archives incroyables de rareté, pour beaucoup inédites, notamment des photographies ou des planches contacts jamais publiées, que pour certaines la star elle-même n’avait jamais vues, datant de son adolescence où elle était modèle pour gagner de l’argent, ainsi que des documents personnels ou, des coulisses de tournage, des émissions jamais rediffusées.
Dalle a inventé sa légende. Par des anecdotes pour la plupart biaisées : certes elle fut repérée sur les Champs Elysées pour figurer dans un magazine qui la fera remarquer par Dominique Besnehard pour le casting de 37°, mais contrairement à ce qu’elle a fait croire des décennies durant, et que nous avons appris de sa propre bouche et qui est aussi abordé dans le documentaire, c’était loin d’être ses premières photos. Elle n’était pas une mannequin pro débutante, depuis l’âge de ses 13 ans, elle avait fait des défilés et été modèle photo, avec des photos publiées bien avant le magazine Photo qui permit de lui faire accéder au cinéma et à une toute autre vie.
Mais l’histoire légendaire d’avoir été repérée dans la rue, de faire une couverture qui lui fit accéder à 37°2 le matin était beaucoup plus frappante et romanesque.
Ce documentaire, en plus de nous faire voir des archives d’un intérêt à tomber par terre, nous apprend des choses que même, entre autres, Beineix dans son autobiographie ou la biographie Que Dalle à laquelle l’actrice avait activement participé, laissaient sans réponses et dans le questionnement concernant de savoir si Jean-Hugues Anglade et Béatrice avaient eu une histoire d’amour, si les scènes d’amour de 37°2 étaient simulées ou non, ou encore qui était l’amant en commun très connu de Claudia Schiffer et Béatrice Dalle qu’elles se partageaient, à l’insu de la dernière citée.
En prisme à ce documentaire, et sans une volonté ni de la réalité de l’actrice ou de la réalisatrice d’être dans ce discours, mais juste par que Béatrice Dalle est une femme, la toxicité masculine jalonne aussi ce parcours.
On revoit notamment une archive de Bouillon de Culture qui nous avait déjà choquée quand, adolescente, nous l’avions vue à l’époque où Pivot (irrespectueux, obscène, idiot, misogyne sans peut être même s’en rendre compte) demande : « Et si vous aviez été exactement pareille de visage mais totalement plate ? Vous pensez que vous auriez fait carrière ? » Deux autres archives montrent aussi des choses du même acabit.
Pour continuer sur la toxicité masculine Dalle avait déjà fini, lors d’une interview écrite, par révèler que son mari épousé en prison, Guénael Meziani, l’avait frappée. Mais dans le documentaire nous apprenons le caractère très extrême et gravissime de ses violences physiques, mais aussi le fait qu’elles ont eues lieu dès la sortie de prison – Dalle et Meziani étaient restés de nombreuses années déjà mariés, à se voir uniquement au parloir, ce qui avait donné lieu à une immense cristallisation (de la part de Dalle, pour l’infâme Meziani nous n’en savons rien). Il est vrai que même aujourd’hui (voir entre autre son compte Instagram) Dalle reste fascinée par les serial killer, les beaux criminels, entretenant l’illusion qu’avec elle ils seront différents, qu’elle sera l’exception, qu’au propre comme au figuré elle ne s’y cassera pas les dents.
Encore plus choquant et dont elle n’avait jusqu’à présent jamais parlé, le précieux documentaire réfère à un évènement grave qui a eu lieu durant son enfance que nous ne pouvons pas détailler de peur de spoiler.
Et ce qui est incroyable et fait, une fois de plus de Béatrice Cabarrou (son nom civil) une personne hors du commun est qu’elle refuse de s’ériger en victime ni d’être dans la plainte.
Bien que Dalle ait eu une chance monstre, de la précarité d’un milieu social prolétaire à la renommée internationale, idolâtrée, révérée, sacrée, aussi extrêmement belle à l’extérieur qu’à l’intérieur (nous l’avons côtoyer, aussi nous permettons nous cette affirmation sans jeu de mots), ce documentaire nous laisse totalement bouleversée et triste.