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Robert Redford – Un acteur à la retraite

Voilà une semaine que Robert Redford a annoncé sa retraite d’acteur. À quatre-vingt ans, le «Sundance Kid» a décidé de se consacrer à ses carrières de réalisateur et de directeur de festival, ainsi qu’à sa passion pour la peinture. Une bonne raison pour revenir sur quelques grands moments de sa filmographie.


Après une formation au sein de la prestigieuse AADA (American Academy of Dramatics Arts), Redford fait ses premières armes à la télévision au début des années soixante dans différentes séries à succès (The Deputy ; La Quatrième dimension ; Alfred Hitchcock présente). L’acteur garde un bon souvenir de cette époque où, en marge de la célébrité, il pouvait s’amuser à interpréter des personnages peu fréquentables, prouvant ainsi ses qualités d’adaptation ainsi que son ouverture à des registres très divers. En parallèle à sa carrière télévisuelle, le jeune Redford apparaît dans des seconds rôles au cinéma : La guerre est aussi une chasse (Denis Sanders, 1962), sur le tournage duquel il rencontre pour la première fois Sydney Pollack ; Situation désespérée, mais pas dangereuse (Gottfried Reinhardt, 1965). L’année 1965-1966 marque le véritable début de sa carrière à travers des collaborations avec trois réalisateurs prestigieux : Robert Mulligan (Daisy Clover, 1965) ; Sydney Pollack (Propriété interdite, 1966) ; et Arthur Penn (La Poursuite impitoyable, 1966). Dans ce dernier film, il donne la réplique à Marlon Brando et a pour partenaire Jane Fonda qu’il retrouve un an plus tard dans Pieds nus dans le parc (Gene Saks), succès de Broadway dont la réussite à l’écran tient surtout à la performance du couple d’acteurs.

Butch Cassidy et le Sundance Kid

À partir de là, les choses s’emballent, la fin des sixties marquant le début d’un succès qui ne sera jamais démenti par la suite. Imposé par George Roy Hill pour Butch Cassidy et le Kid, Redford compose avec Paul Newman un duo de bandits anachroniques à l’intérieur d’un western dont l’humour ne parvient jamais à dominer la tonalité crépusculaire. Le succès du film pousse les studios à réunir à nouveau les trois hommes pour L’Arnaque qui, lors de sa sortie en 1974 est un énorme succès, raflant pas moins de sept oscars dont celui du meilleur film et du meilleur réalisateur.
Il faut dire qu’entre la sortie des deux films, Redford a fait du chemin. Nos plus belles années (1973) et surtout Jeremiah Johnson (1972), tous les deux réalisés par Sydney Pollack, l’ont consacré nouveau héros du cinéma américain. Porteur d’une image paradoxale, Redford réunit les contraires. Homme de la nature cultivé, il réaffirme à la fois les valeurs ancestrales de sa nation tout en incarnant un esprit contre-culturel en phase avec celui de son époque.

Les Hommes du président

D’un point de vue économique, l’acteur s’est par ailleurs imposé au sein du système hollywoodien en fondant dès 1969 sa propre société de production, la «Wildwood entreprise». Redford s’investit de plus en plus dans la préparation de ses films. Dès le début de l’affaire du Watergate, il prend contact avec Bob Woodward et Carl Bernstein, les deux journalistes du Washington Post à l’origine de l’enquête qui poussera le président Richard Nixon vers la sortie. Redford s’attelle à l’écriture d’un scénario et prévoit de produire un petit film en noir et blanc interprété par des acteurs inconnus. Mais l’ampleur prise par l’affaire l’oblige à revoir ses projets à la hausse. Alan J. Pakula, chargé de réaliser le film, le convainc d’incarner Woodward, tandis que le rôle de Bernstein, d’abord confié à Al Pacino, reviendra finalement à Dustin Hoffman. En 1977, le succès des Hommes du président parachève le processus de politisation de l’acteur, débuté dès le début des années soixante-dix avec le pamphlétaire Votez Mc Kay (Michael Ritchie, 1972) et le thriller paranoïaque Les trois jours du Condor (Sydney Pollack, 1975).
Peu à peu, Redford subit les contre-coups de la célébrité.

Gatsby le Magnifique

En 1974, il doit insister auprès de Robert Evans pour jouer dans Gatsby le Magnifique (Jack Clayton), le directeur des studios Paramount le jugeant «trop blond» pour incarner le célèbre faussaire. Mais c’est surtout au cours des années quatre-vingt que Redford butte contre son image d’idéal romantique. Le Meilleur (Barry Levinson, 1984) en fait le modèle d’une Amérique reconquérante, tandis que Out of Africa (Sydney Pollack, 1985), son plus gros succès au box-office, lui fait incarner le rôle d’un pur fantasme, celui de l’occidental africanisé, amant sauvage et indomptable de Meryl Streep. Lassée de le voir reprendre inlassablement le même genre de personnages, une certaine tendance de la critique américaine, menée par la polémiste Pauline Kael, le prend en grippe et confond la sphère du personnage avec celle de l’acteur, jugeant aussi peu lucidement les rôles de Redford que la qualité de ses interprétations.
Conscient des limites imposées par ces rôles-types, Redford cherchera à s’en démarquer en incarnant des personnages plus ambigus (Havana [Sydney Pollack, 1990]), voire carrément diaboliques (Proposition indécente [Adrian Lyne, 1993]), tout en continuant à prolonger certains aspects de sa persona à l’intérieur de ses propres films. Ainsi du cow-boy de L’Homme qui murmurait à l’oreille des chevaux (1998) ou du militant politique de Sous surveillance (2013).
Les années deux-mille-dix semblent quant à elles avoir inauguré sa phase post-moderne, Redford s’amusant à jouer les villains de comics dans Captain America : Le Soldat de l’hiver (Anthony et Joe Rusco, 2014), ou commentant avec tendresse et ironie sa figure d’homme des bois dans le testamentaire Randonneurs amateurs (Ken Kwapis, 2015), avant d’apparaître dans le remake du classique de Disney Peter et Elliott le dragon (David Lowery, 2016). Reste quelques apparitions marquantes, comme dans Truth (James Vanderbill, 2015) où son personnage de journaliste apparait comme le double murissant du Bob Woodward des Hommes du président, ou, sur un mode plus mineur, Spy Game (2001) de Tony Scott dans lequel Redford semble passer le flambeau à Brad Pitt reprenant le rôle de l’agent rebelle des Trois jours du Condor.

All Is Lost

Mais c’est sans doute avec All is lost (J. C. Chandor, 2013) que Redford s’est affirmé comme une valeur toujours d’actualité à l’intérieur du cinéma américain contemporain. Seul sur son voilier, perdu en haute mer, l’acteur s’épanouit à l’intérieur d’un rôle mutique et unique en son genre. Se révèlent alors dans toute leur plénitude les immenses qualités de son jeu et notamment sa capacité à s’impliquer totalement dans l’interprétation de son personnage. Son naturel, caractéristique si propre au cinéma américain, sert la véracité du film tandis que ses gestes élèvent l’action quotidienne au rang d’art le plus noble. Il y a chez Redford une énergie sourde qui emporte de l’intérieur l’atmosphère d’une scène, qui sublime chaque micro-événement de celle-ci.
Plus que deux film – Our Souls at Night (Ritesh Batra) où il retrouvera pour la quatrième fois Jane Fonda, et The Old Man and the Gun (David Lowery) avec Casey Affleck, tous les deux prévus pour 2017, pour profiter encore un peu de cet acteur si essentiel.

 

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