Auteur Sujet: NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier  (Lu 24602 fois)

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NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« le: janvier 03, 2014, 02:25:25 am »


La première partie du très attendu film de Lars Von Trier est actuellement à l'affiche. Il faut savoir que la dite partie a été expurgée et montée spécialement pour le public français.
Difficile de se faire une idée du film complet avec cette seule première partie expurgée.
Difficile aussi d'attendre la sortie de la deuxième partie le 29 janvier (c'est long...).
« Modifié: janvier 11, 2014, 02:53:24 am par le mag cinema »



Hors ligne Gilda

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #1 le: janvier 03, 2014, 02:41:29 am »
Oui difficile de se faire une idée. Bon, une chose : c'est très beau plastiquement. Von Trier philosophe beaucoup façon les derniers Godard mais en beau et bien fait. La beauté plastique du film (lumière, plans etc) est incroyable. Mais impossible pour le moment de comprendre où veut en venir LVT puisque la 2eme partie n'est pas encore visible !!! *frustration*

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #2 le: janvier 11, 2014, 02:49:23 am »
Pour ceux et celles qui se demande pourquoi le film a été coupé en deux et censuré en France, les réponses par Michel Frodon :

«Nymphomaniac, volume 1» de Lars von Trier: ceci n'est pas un film érotique



Ecrire une critique à propos de ce qui sort en salles, en France, le 1er janvier 2014, sous le titre Nymphomaniac, Volume 1, est un exercice singulier. Il s’agit en effet de la moitié d’un film, clairement présenté comme tel (et pas un épisode complet, comme par exemple avec la trilogie du Seigneur des anneaux).

Encore est-ce la moitié d’une version courte du film, qui, avec le volume 2, durera 4 heures, tandis qu’une version de 5 heures et demie est annoncée pour plus tard en 2014. En outre, cette moitié d’une version resserrée commence par un carton informant qu’elle a été censurée, Lars von Trier ayant accepté les coupes opérées, bien que n’y ayant pas pris part. Il faudrait même ajouter qu’il est ici question de la version destinée à la France, des modifications spécifiques étant susceptibles d’être opérées en fonction des règles de censure propres à chaque pays.

 

Rien de tout cela n’est anodin, ni extérieur à l’enjeu de Nymphomaniac. Lars von Trier est un type sérieux, qui réfléchit avec ses films à un certain nombre de questions, même s’il cherche à donner à ces réflexions des formes susceptibles d’attirer et de séduire –et y réussit souvent. Parmi les nombreux sujets qui l'intéressent assez pour lui donner envie de faire des films figure la manière dont on raconte des histoires, dont on construit des représentations —à cet égard, les expérimentations de Dogville et Manderlay et le jeu formaliste de Five Obstructions avaient fourni nombre de propositions très originales, et passionnantes au moins pour les deux premiers.

Qu'est-ce qu'une oeuvre?

La mise en question de la forme «œuvre» comme objet singulier —par exemple un film— fait à l’évidence partie des enjeux de Nymphomaniac. L’intelligence stratégique du cinéaste consiste à ne pas se contenter de mettre lui-même en place les variantes et altérations qui interrogent l’intégrité de l’œuvre, mais à obtenir la collaboration de forces sociales réelles, les procédures plus ou moins officielles, plus ou moins hypocrites de censure, qui contribuent à cette altération selon des formes variées, comme un plasticien offrirait son artefact à la morsure aléatoire de plusieurs acides.

Avec un tel projet, installer l’acte sexuel littéralement représenté au centre de l’affaire revient à s’assurer des réponses des différents gardiens des bonnes mœurs, et développer le projet d’un film de 5h30 à susciter la censure économique des marchands rétifs à semblable format. Le sexe, puisqu’on ne saurait ignorer qu’il va s’agir de cela, est également propre à assurer la curiosité des médias et d’un large public, alors même que l’essentiel des ressorts dramatiques qui portent le film concernent bien d’autres choses.

Durant les deux heures du film, une succession de scènes racontées en flashbacks par une femme nommée Joe évoque une série de situations où elle fait l’amour avec un grand nombre d’hommes, en montrant à l’occasion les attributs physiques de l’une et des autres. Le personnage est le même, mais la femme qui raconte est interprétée par Charlotte Gainsbourg, toujours aussi émouvante lorsque LvT la filme, y compris, comme c’est ici le cas, le visage entièrement tuméfié, alors que les épisodes en flashbacks sont joués par la jeune et charmante Stacy Martin, d’apparence aussi sage que l’essentiel de ses activités est supposé être torride.

Travail de cinéaste

Ces récits —les tribulations de miss Joe au pays du sexe— sont autant de paraboles interrogeant des notions telles que les usages de la technique, les rapports de pouvoir, les puissances de l’illusion, les limites du rationnel, ou même ce dont l’héroïne ne cesse d’affirmer qu’elle ne se soucie pas, l’amour. Relativement explicite, mais montrant le sexe comme une activité pratique mobilisant certains organes, comme on pourrait figurer l’entraînement intensif d’un sportif ou le travail à la chaine, Nymphomaniac est un film fort peu érotique. C’est aussi un film souvent drôle, très beau, et extrêmement intéressant.

Il commence par un mouvement suprêmement élégant: de concert, le personnage joué par Stellan Skarsgard et la caméra s’en vont littéralement recueillir l’être abandonné et quasi-défiguré qui git sous la pluie, dans une cour sinistre. La caresse de l’objectif descendant des toits noirs le long d’un ruissellement désespérant et le geste de l’homme seul soulevant le corps, puis, l’ayant mis au chaud, lui offrant du thé et la possibilité de se raconter, sont à l’unisson d’une même et grande générosité —pour autant qu’on puisse en juger, rien n’empêchera que plus tard, ceci comme cela prenne un autre sens.

Cet homme, Seligman, écoute Joe, la relance, commente ses cinq récits, sagement organisés en chapitres dûment numérotés et titrés. Elle, Joe, tient à installer son personnage sous le signe d’un jugement moral aussi négatif qu’absolu, faisant de ce qu’elle nomme sa nymphomanie le signe d’une indifférence égoïste et de penchants répréhensibles.

Avec beaucoup d’humour, de sagacité et de douceur, avec un traité de pêche à la ligne ou un prélude de Bach, Seligman ne cesse de déplacer les jugements qu’elle tire de ses propres actes, de les mettre dans une autre perspective. Un travail de cinéaste, quoi.

Des allures de boule à facettes

Ce jeu inventif prend des allures de boule à facettes, chaque séquence s'inscrivant dans une ambiance spécifique, qui renvoie à un genre cinématographique (drame, comédie, polar…) —et à l’occasion à un précédent film de Lars von Trier, comme le fantastique en noir et blanc de L’Hôpital, ici placé sous le signe maléfique d’Edgar Poe.

Esprit inquiet de multiples questions, Lars von Trier est avant tout un moraliste qui, à la manière des fabulistes anciens, construit des situations décalées pour mieux observer comment les humains se débrouillent —plutôt mal— pour malgré tout vivre ensemble. Une fellation ferroviaire au service d’un gag comportementaliste dont le thème n’est certainement pas le plaisir et à peine l’idée affichée de besoin de compétition pour s’affirmer, une primesautière comédie du non-mariage avec Shia LaBeouf ou la formidable scène de jalousie stratégique mise en œuvre par Uma Thurman en épouse abandonnée, aux confins du burlesque et du drame, participent de cet assemblage qui ne cesse d’explorer de nouvelles hypothèses.

Certaines sont bouleversantes, comme le choc du regard de la fille aimante avec le corps souillé et délirant du père, et l’injonction de devoir vivre avec ça. Avec comme horizon une réelle mélancolie, sous le signe obsédant, lui, non du désir mais de la solitude.

Comme dans Gertrud de Dreyer

A ce stade (celui du Volume 1), le meilleure référence qu’on puisse trouver à Nymphomaniac serait le chef-d’œuvre testamentaire du cinéaste le plus admiré de LvT,  Carl Dreyer. Comme dans Gertrud (mais avec l’écart qui sépare son époque puritaine de nos temps réputés libérés), l’héroïne fait l’expérience de multiples tentatives sans y trouver jamais l’accomplissement. Soit (dans les deux cas), une assez littérale traduction romanesque d’Au-delà du principe de plaisir de Freud, fondé sur le principe de répétition.   

La sexualité est donc entièrement à sa place ici, mais comme ressort théorique ou comme exemple particulièrement efficace d’une intelligence des comportements individuels et des rapports humains d’une manière plus générale. Aux confins de cet intérêt et de ses avantages en terme de médiatisation, l’activité sexuelle se révèle donc un parfait relai pervers, ni inexact (oui il y a souvent des scènes de cul dans Nymphomaniac), ni superflu (le sexe alimente efficacement les réflexions du film), ni en phase avec les attentes lubriques suscitées.

Rusé, le réalisateur n’en reste pas là: grâce à une poignée d’images présentées comme venant du deuxième film, il laisse entendre à la fin que celui-ci sera aussi troublant et dérangeant que le volume 1 est distancié. A voir.

Jean-Michel Frodon
« Modifié: janvier 11, 2014, 02:52:04 am par le mag cinema »

Hors ligne Gilles Eusebe

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #3 le: janvier 11, 2014, 04:19:44 pm »
[pdf]http://www.filmsdulosange.fr/uploads/presskits/a0ba5b578a4ff27054d4b8750db74126c44faae1.pdf?filmsdulosange=k4bmq6kbq0c244u6rhekipdmr5[/pdf]

Hors ligne Gilda

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #4 le: janvier 31, 2014, 01:44:12 pm »
Shoking dans la ville de Rennes : le premier volet était diffusé dans un Gaumont, bien en vue. Et là il est diffusé dans un cinéma Art et Essai... alors que c'est le même film, sauf que, comme il durait 5 heures, les français ont choisi de le couper en deux... De là à ne pas diffuser la seconde partie du film dans le même cinéma, il n'y a rien à comprendre... :-\
J'ai ma petite idée sur le "pourquoi" mais je trouve ça débile...

Hors ligne Gilda

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #5 le: février 02, 2014, 01:34:22 am »
J'ai vu le second volet du film il y a quelques heures (dans une petite salle art et essai, à l'Arvor donc). Et en attendant d'en dire plus :

Lars Vont Trier ne peut s'empêcher de retomber dans les mêmes schémas et de vouloir choquer ou traumatiser à tout prix -ce qui attenue la portée de l'oeuvre en elle même.
Bref pour moi c'est un bon Lars Von Trier mais il faudrait peut être qu'il arrête de se répéter -je ne vais pas dévoiler l'histoire et ses rebondissements à ceux qui ne l'ont pas vus mais il a le même schéma que dans : Breaking the waves, Dogville, voire Dancer in the dark.

C'est peut être un anti Antichrist, qui avait été accusé à l'époque de machisme.

EDIT : Charlotte Gainsbourg a repris la promo, malgré le décès de sa soeur et parle du film ici :

http://www.rtl.fr/emission/laissez-vous-tenter/billet/charlotte-gainsbourg-j-aime-bien-souffrir-7769187042
« Modifié: février 02, 2014, 03:57:59 am par Gilda »

Hors ligne Gilles Eusebe

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Re : NYMPHOMANIAC de Lars Von Trier
« Réponse #6 le: février 03, 2014, 12:23:46 am »
J'aime d'ordinaire beaucoup Lars Von Trier, que ce soit son talent provocateur, sa photographie, son sens de la narration, son acuité, sa radicalité et en cela son anti-conformisme revendiqué.
De souvenir, Les idiots m'avaient fait une impression bof bof. Mais toutes ses autres œuvres m'ont soit saisi, soit impressionné, ou a minima intéressé.

Avec Nymphomaniac, j'ai un avis plutôt négatif au final [j'attendais le second volet pour me faire mon avis, la césure était frustrante].
En premier lieu, la provocation ne fonctionne pas sur moi ce coup-ci, je veux dire qu'elle ne me choque pas (je le suis rarement), mais surtout que je n'y vois pas l'intérêt (étant moi même provocateur bien des fois, j'ai en sympathie toute provocation qui masque une critique intelligente d'un conservatisme, d'une inégalité, d'une idéologie, d'une injustice, d'une radicalité.)

En second lieu, l'avertissement du générique de chacun des deux épisodes, rappelant que Lars Von Trier n'a pas effectué le montage lui même mais qu'il ne s'y est pas opposé plus que cela résonne pour moi comme une évidence. Jamais un film de Lars Von Trier n'aura eu un aussi mauvais rythme, jamais aucun de ses films n'a été aussi répétitif.

Il y a certes des éléments à sauver, à mettre en avant, que ce soit quelques réflexions [pas toutes loin de là], quelques éléments qui visent à montrer l'érudition du bienveillant (sic) [mais certains sont tirés par les cheveux ou assez banales, comme cette comparaison avec la chasse ou la pêche sans grande valeur]. Il y a surtout comme souvent dans les derniers films de Lars Von Trier une volonté de convier la nature au bal, Von Trier ne manquant pas de remercier A. Tarkovski au générique de fin. Il y a enfin la vision misandre, misanthrope, radicale qui présente l'Homme comme un être dominé par ses vices. Seule échappe à cette vision négative celle que beaucoup auraient aimé voir comme la source du vice, la nymphomane, présentée ici au final comme une victime. Lars Von Trier dans toute son oeuvre s'est intéressé aux atrocités humaines, et a toujours, en opposition, inséré dans ses récits une victime unique, innocente, frappée d'une certaine grâce, très souvent une figure féminine sacrificielle. Il mène en cela une réflexion religieuse, comme ici dans Nymphomaniac quand il compare les églises occidentales dont les icones représentent le plus souvent christ en croix, souffrant, présentant de fait une vision doloriste aux églises orientales (orthodoxie) dont les icones sont le plus souvent des madones avec des enfants, diffusant un message de joie.

Pour revenir sur mon sentiment général négatif, je reviendrais sur 3 points:
1/ Le rythme ne fonctionne pas, le récit est répétitif, et certaines scènes portent le même message que des scènes précédentes, elles visent à un certain conditionnement pour mieux faire ressentir l'intensité d'autres scènes (Oui Lars Von Trier est un grand manipulateur, et c'est justement l'une de ses grandes qualités). Le problème est que l'effet est nul si on scinde deux scènes qui se répondent l'une à l'autre en deux épisodes diffusés à trois semaines d'intervalle.
2/ Certaines réflexions semblent liées à un procédé de construction peu naturel, imposé, comme si Lars Von Trier avait été en panne d'inspiration par moment [les analogies sont faites entre la vie sexuelle de notre nymphomane et des éléments décoratifs de la pièce dans laquelle elle se trouve... ceci aurait pu être génial, mais dans les faits, on a l'impression que Lars Von Trier s'y empètre plus qu'autre chose.]
--> une durée de 4 h  quand un concentré de 2h30 eut été bien plus percutant... Et pourtant, j'aime qu'un film n'ait pas une durée imposée, qu'il prenne le temps nécessaire à son histoire ...

3/ Le procédé narratif, la psychanalyse produit deux effets, le premier est un effet pédant, celui que l'on va nous apporter des réponses, des solutions. Le second est un effet emprisonnant. Le récit est construit, imposé, linéaire. On reçoit une longue leçon aux éléments distillés les uns après les autres, quand on aimerait pouvoir interagir, en voir davantage, savoir ou cela nous mène ou au contraire se sentir perdu. Cet effet fil à la patte, "vous allez voir où je vous emmène à la fin", m'a personnellement été désagréable (comme m'ont toujours été désagréables les enseignements de professeurs qui aimaient nous apporter d'abord des bases, pour ensuite nous expliquer ce à quoi elles peuvent servir, pour en tirer des conclusions, des résultats; quand je préférais ceux qui présentaient d'abord des conclusions, des résultats, des réflexions pour ensuite les démontrer voire les contredire, les ouvrir en revenant sur des bases nécessaires.)


 


 

« Modifié: février 03, 2014, 12:35:06 am par Gilles Eusebe »

 

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