Jacky au royaume des filles

[Gilda]

Riad Sattouf, en plus d'être un bédéaste que j'aime beaucoup, est un cinéaste que j'adore.

Il a fait Les Beaux gosses qui est l'un des meilleurs films comiques qui soient. Culte direct.



Et, bien que les critiques de Première soient tièdes, j'ai hâte de le voir en avant-première, surtout que le concept et très intéressant (les mecs en burqua, les femmes qui dominent le monde).
Sans parler des acteurs, Charlotte Gainsbourg et Vincent Lacoste qui est drôle même s'il reste immobile et sans prononcer une phrase.

La bande annonce fait envie et ça fait un an que j'attend de voir ce film !

Jacky au Royaume des Filles - Bande annonce officielle HD

[Gilles Eusebe]

En avant première le 20 Janvier à Rennes.

[Gilda]

J'ai vu le film en avant première.
Il n'est en avant première qu'à Rennes et Paris (Paris parce que c'est Paris et Rennes parce qu'il est de Rennes)
Le film est bien : un univers totalement recréé et repensé dans les moindres détails.
Ca fait plaisir de retrouver Charlotte Gainsbourg dans un rôle comique où elle est glamourisée -jolie lumière etc contrairement aux films de Lars Von Trier où elle tient des rôles plus que dramatiques dans des lumières peu flatteuses fût-ce-t-elle belles.
Anémone est de retour et excellente en matriarche psychopate (j'ai pensé à Kadafi perso).
Didier Bourdon est génial en marâtre, c'est un super acteur, on le sait, il y a même une référence à un sketch des Inconnus dans le film.
Des sujets graves sont traité dans le film, mine de rien, de sorte à mettre les spectacteurs en face de choses pas forcément drôle. Donc le film fait tout autant réfléchir qu'il fait rire, donc on rit moins que dans Les beaux gosses, dont le sujet, en soi, est plus léger.
Vincent Lacoste est toujours le même, ses expression, son phrasé naturel de Vincent Lacoste -sauf que là il joue le rôle d'un "beau gosse" très courtisé. Cela dit j'ai noté qu'il a la même coupe de cheveux que dans "Les beaux gosses" notamment.

Riad Sattouf était là pour répondre au question du public, donc réponses thématiques en vrac :


- Le film est une en partie un remake de Cendrillon mais à l'envers (!!!). Cendrillon est donc Vincent Lacoste.
- Tout ce qui est au masculin dans la langue française est inversée et donc féminisé sauf quand il s'agit de choses dégrandante, donc on ne dit pas une merde, mais un merdin par ex. Les femmes dominent le monde dans le film et donc quand on parle d'un groupe comprenant une femme on dit "elles" et non pas "ils".
- non il n'a pas fait ce film en relation avec le printemps arabe ou le mariage gay le film était conçu bien avant tout cela.
- il a pris charlotte Gainsbourg parce qu'elle fait partie d'une aristocratie (celle de sa lignée, de sa famille) et que cela donc correspondait au rôle. Et ça lui a coûté moins cher en effet spéciaux pour le final (sic).
- Il n'aime pas du tout les chevaux, symbole de virilité selon lui, c'est pour ça que c'est une religion dans le film. J'ai notamment appris qu'un cheval voit l'homme plus grand que lui à cause d'un problème de rétine, c'est pour ça qu'il se soumet à l'homme. Bon perso je metterais plus un taureau pour faire un truc méga masculin viril bourrin et j'avais pensé au vaches sacrées en Inde.
- Il y avait un vrai poney sauvage sur le tournage qui attaquait les gens.
- Il n'aime pas les hommes virils et ne se définit pas comme féministe (ça fait trop michel sardou) mais comme un homme qui est pour la dévirilisation des hommes. Il n'aime pas les mecs baraqués qui n'ont pas passé leur CAP. Il déteste tous les sports, en particulier le foot. Il exècre Ribery par exemple 
- Il est fasciné de voir que Vincent Lacoste (qu'il a révélé) est devenu une grande star et que les filles le courtisent alors qu'avant c'était un collégien lambda qui d'ailleurs ne voulait pas aller au casting des Beaux Gosses.
- Le film a été tourné dans des décors réels en Georgie (en ce qui concerne le village qu'on y voit) et des figurant géorgiens ont participé au film (notamment les soldates qu'on voit sur l'affiche).
- Les costumes (qu'il a entièrement imaginé) ont été fabriqués par des ateliers géorgiens qui confectionnent des tenues militaires hormis le costume de Charlotte Gainsbourg, confectionné en France "parce que c'est une star, que c'est différent".
- Il n'a pas l'impression de "règler ses comptes" (le mot est un peu fort) mais il reconnait qu'il a des sujets récurrents qu'il aime bien traiter dans ses BD ou son premier film.
- Tous les chiffres symboliques dans le films font en somme le chiffre 7.
- Il y avait sa maman, la cousine de sa maman et d'autres gens de la famille dans la salle (normal il est originaire de Rennes).

[Gilles Eusebe]

J'avais pour ma part apprécié, sans plus, les beaux gosses du même auteur, rigolant par instant mais pas tout au long du film, et trouvant le film plutôt potache, facile et déjà vu, sans être ridicule ou mauvais (car de mauvais remakes de profs, des sous-doués, voire du péril jeune  ce n'est pas cela qui manque !).
Avis comparable au péril jeune par exemple, sympa sans être aussi génial que ce que l'on en dit.
Je n'attendais pas grand chose d'autres de ce Jacky au royaume des filles qu'un film sympa, qui puisse me faire rire, et était intéressé par voir ce que pourrait donner Charlotte Gainsbourg dans un tel univers, elle qui a certes joué dans des comédies, mais d'un style bien différent.

Pari à moitié réussi, quelques scènes sont bien senties, et le concept en lui même me séduit; cette inversion des rapports entre homme et femme produit l'effet escompté, et bizarrement a un rôle éducatif pour ceux qui trouvent normal la main mise de la gente masculine sur la société, quand bien même certaines femmes tirent leur épingle du jeu, tirent les ficelles.
Charlotte Gainsbourg n'est pas très bien utilisée et sa partition sera vite oubliée, sans qu'elle ne démérite aucunement. au casting Hazavanicius, voire Didier Bourdon rayonne davantage, dans leurs seconds rôles assez caricaturaux.

Le film en lui même a selon moi, vous l'aurez compris, quelques carences qui en font un film mineur, qui ne comptera pas.
Le concept, s'il donne une première couleur intéressante, se trouve au final emprisonnant; il nuit à la liberté de création, car Riad Sattouf s'attache à le décliner, voire à le poursuivre. Il s'en suit un phénomène de répétition, de relative lourdeur; le film avance mais n'apporte pas nécessairement de nouveaux éléments.

Le film manque ensuite assez cruellement de nuances, voire de petits détails qui nous interrogeraient, nous dérangeraient, ressortiraient. Le tout est assez massif, à la lecture plutôt linéaire et non une somme de petites perles qui formeraient un tout plus complexe, plus riche.

Certains louent justement (mais pas nécessairement à juste titre) que cette comédie fait du bien dans le paysage des comédies françaises, snobinardes, dont  l'humour est intellectualisé, au détriment d'une certaine simplicité.

Ici le procédé est effectivement simple. Si on peut louer à Riad sattouf  sa créativité évidente, il est plus lambda dans la direction d'acteurs, dans les dialogues, voire dans la narration.

L'habillage du film également est sans éclat, à commencer par des choix musicaux pas forcément bien inspirés qui n'apportent rien au film, il semblerait que la musique soit surtout utilisée pour couper certaines longueurs.

Deux références me sont venues à l'esprit à la vision de Jacky au royaume des filles, la première est une référence Rennaise de haute qualité, Ubu roi, d'Alfred Jarry. En effet, le monde réinventé, les néologismes, le jeu sur la langue, peuvent rappeler Ubu roi mais sans cette truculence qui en font l'extrême qualité.

La seconde est moins noble. Il s'agit de ... [sic] Groland ... Certes Riad Sattouf est très loin d'être attiré par les provocations vulgaires, les grosses blagues de mec (on peut même dire qu'il est à l'opposé de cet univers là), mais Groland décliné dans sa version originelle, et dans sa version papier, est avant tout un concept d'invention d'un pays qui n'existe pas, qui se sert de certains symboles et les caricaturent pour faire ressortir le ridicule de nos mondes; et en cela ils sont parfois très bons (ce n'est pas pour rien que Délépine et son compère Kervern ont réalisé des films d'auteurs, qui eux, comptent).

La troisième, qui est la référence à laquelle Riad Sattouf s'est attachée, est Cendrillon. Cela est évident quand on vous le dit, mais le problème est que Cendrillon n'est pas aisément rattachable à un projet comique, il le serait davantage à un projet intellectuel, ou esthétique.  Je suis passé à côté de ce fait.

En conclusion, je dirais qu'il manque à Jacky au royaume des filles une profondeur, une forme.

Cela reste une comédie très honnête ceci dit.

[le mag cinema]

Riad Sattouf a publié les pages de BD (Pascal brutal) d'où est sorti son concept d'hommes voilés et de "monde inversé" -comme il le dit  :