J'ai remarqué que l'accueil fait à "Twin Peaks : Fire Walk with Me" variait selon qu'on avait vu le film avant ou après la série. Ceux qui ont commencé par la série sont généralement déçus par le film. L'argument qui revient le plus souvent est qu'il n'apporte rien de plus à la série. On dit aussi que le film aurait pu fonctionner si la série n'avait jamais existé (mais dans ce cas il aurait été certainementt très différent de celui que nous connaissons). Supputation gratuite que cela.
En ce qui me concerne, je dirai que le film a cassé "le mythe" Laura Palmer et il est peu probable que c'était là l'intention de Lynch... Toute la série s'articule autour de son absence, voilà qui laisse une grande place à l'imaginaire de chacun et lui confère un statut d'icône. Le film arrive et elle chute de son piédestal. On se dit : Comment ? C'est ça, Laura Palmer ? Une adolescente ordinaire, au physique assez quelconque, qui se prostitue pour de la coke. En fait d'héroïne sulfureuse, elle apparaît bien falote. Le personnage fascinant, c'est bien sûr son père, mais pour des raisons évidentes il était difficile de le mettre en avant (et davantage encore dans la série que dans le film). Avec Dale Cooper, on n'a pas perdu au change, mais à peine arrivé, le voilà reparti... Ensuite on peut disserter longtemps sur la mise en scène, sur l'esthétique (et j'ai dit ce que j'en pensais par rapport à celle de la série : elle est cradingue), sur la conception que Lynch se fait du cinéma... en oubliant qu'un film c'est d'abord un récit. Et pour le coup c'est le film qui prend des airs d'une mauvaise série télé.
Pour la petite histoire, Lynch n'avait pas apprécié la tournure prise par la série et il en a abandonné partiellement la réalisation, ne revenant que pour quelques épisodes. Je crois même qu'à cette occasion il s'était quelque peu brouillé avec Mark Frost qui avait pris les choses en main. Le problème venait de la production justement qui trouvait que cette histoire commençait à s'éterniser. Il ne faut pas oublier que si Lynch est d'abord réalisateur de cinéma, Frost est un homme de télévision. Pour elle, il y avait suffisamment d'intrigues secondaires pour insuffler un nouvel élan à la série en changeant radicalement de cap. Il fallait renouer avec le genre-maison, c'est-à-dire un soap plus traditionnel où le téléspectateur a ses repères. Et voilà Lynch obligé de révéler le nom de l'assassin de Laura Palmer en plein milieu de la saison deux, lui dont le projet initial était justement de ne jamais le révéler, pas même à l'issue du dernier épisode. Le plus drôle de l'histoire, c'est qu'au final, cette série que la prod voulait "recadrer" a été à l'origine d'une nouvelle génération de séries télé.
Le titre "Twin Peaks : Fire Walk with Me" promettait beaucoup, mais le feu s'est éteint rapidement. La braise était trop tiède.
@ Gilda : Il y a la Laura Dern de "Blue Velvet" ou de "Sailor et Lula" et puis celle de "Inland Empire". Les années ont passé et elle a pris un sacré coup de vieux, il faut bien le reconnaître.