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Mountains may depart de Ji Zhang-Ke, un très bon film

Mis à jour le 29 janvier, 2016

Nous avions été séduits par A touch of Sin lors de sa projection à Cannes en 2013, et nous attendions donc de voir ce que Jia Zhang-Ke pourrait proposer 2 ans plus tard avec Mountains may depart, titre énigmatique s’il en est, en sélection officielle à Cannes2015.

Comme pourront en témoigner nombre de réalisateurs, les attentes placés en eux lorsqu’ils concourent pour la palme d’or sont démultipliées, les exigences très hautes. Il s’agit soit d’ouvrir une nouvelle voie, de montrer un nouveau savoir-faire jusqu’alors inexploré, soit au contraire de retrouver la force et l’élan d’une œuvre précédente, peu récente de préférence mais qui figure dans les vidéothèques de tout cinéphile qui se respecte. Mountains may depart ne pouvait donc pas se contenter d’être un nouveau portrait de la chine en mouvement d’aujourd’hui, basé sur des faits divers reliés les uns aux autres.

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Chine, fin 1999. Tao, une jeune  fille de Fenyang est courtisée par ses deux amis d’enfance, Zang et Lianzi. Zang, propriétaire d’une station-service, se destine à un avenir prometteur tandis que Liang travaille dans une mine de charbon. Le cœur entre les deux hommes, Tao va devoir faire un choix qui scellera le reste de sa vie et de celle de son futur fils, Dollar. Sur un quart de siècle, entre une Chine en profonde mutation et l’Australie comme promesse d’une vie meilleure, les espoirs, les amours et les désillusions de ces personnages face à leur destin.

Construit en trois tableaux, Mountains may depart marque par la richesse des thèmes traversés, et par l’absence de point d’équilibre, de priorisation entre ces différents thèmes. Il sera question d’amour bien évidemment, mais d’un amour contrariant, façon Jules et Jim (Zang et Lianzi), de jalousie, d’amour ou d’absence d’amour maternel, de possession, de pouvoir, de santé, d’argent, de traditions, de mariages, d’enterrements, de naissance, de divorce, de modernité, de fuite vers l’ouest, de pertes de valeurs, d’occidentalisation. S’il faut trouver un fil conducteur, il est plus à chercher dans les relations, la filiation du personnage de Tao. Cette femme chinoise, qui vit en province sourit à la vie, irradie de simplicité, séduit naturellement. Elle ne prend pas les choses très au sérieux, et s’étonne que ses deux prétendants puissent nourrir l’un pour l’autre un sentiment de jalousie. Prisonnière, elle devra choisir de lier son destin à l’un et rendre malheureux l’autre. Ce premier tableau fait figure de mise en place, nombre de thèmes sont introduits, des indices glissés ici où là. Les dialogues, et les situations ne sont pas choisies au hasard : les tableaux qui suivront développerons certains détails laissés en suspend, mais aussi par le biais d’une subtile écriture, laisserons ouverts d’autres intrigues. Les scènes se répondent ainsi les unes aux autres, ou se complètent, quand elles changent de point de vue, de territoires, de temporalité. Les sauts spatio-temporels ainsi opérés entre les trois tableaux sont ainsi à rapprocher des liens que l’on pouvait faire entre chacun des faits-divers de A touch of Sin. En filigrane, Zhang-Ke continue son portrait de la Chine d’aujourd’hui, en mouvement, en quête d’occidentalisation, mais aussi quelque part en manque de repères.  Les ellipses opérées sont également intéressantes, car le plus souvent elles suivent une rupture dans le récit, comme un avion de chasse qui s’écrase inopinément.

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Le film se révèle donc plutôt subtil dans son écriture, et bénéficie également d’une photographie intéressante, notamment dans les choix de cadre, très symétriques, et de mouvement de caméras, délicats. Le rythme du récit est volontairement posé, pour garder en sérieux et en intensité.

La place en sélection officielle de Mountains may depart nous semble donc tout à fait justifiée, pour les qualités précitées. Une place au palmarès est possible, mais nous ne pensons pas que ce puisse être la Palme d’Or. Il manque en effet au film quelques ingrédients qui nous font crier au chef d’œuvre : un souffle, une folie formelle, une profondeur, un décalage, une poésie continue. Si quelques instants de Mountains may depart s’en rapprochent, nous sommes plus sur un bel ouvrage, une belle observation, une belle proposition à l’image des scènes initiales et finales qui se répondent parfaitement bien, à l’image de ce titre anglophone très imagé –bien moins encore que le titre chinois: « les vieux amis sont comme la montagne et le fleuve ».

 

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